ROMANE – SOIR DE TROTTOIR

LUXE, CALME, VOLUPTÉ ET GUITARE

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

C’est en trio (le violoniste Laurent Zeller, et le contrebassiste Laurent Delaveau) que celui que l’on considère comme l’un des plus éminents successeurs de Django Reinhardt s’offre une relecture de certains de ses incunables. Comme une balade nocturne et embrumée au royaume de la nostalgie.

Bardé de prix (Prix Sydney Bechet de l’Académie du Jazz en 1997, Grand Prix Sacem de 2013), pédagogue et géniteur de virtuose, Patrick Leguidcoq, fils de Paname, reste assurément l’un des rares exemples de guitariste non gitan à s’être imposé dans l’univers du jazz manouche. Et l’on a pu, dès les prémisses de sa carrière, saluer son aptitude à ne pas se figer dans un garde-à-vous obséquieux face à la statue du Commandeur Reinhardt. Ainsi, au fil des années, son jeu virevolte à l’instar d’un Joe Pass, se branche sur le secteur, puis tente une résurrection sans filet du Quintet du Hot-Club de France. Il porte par la suite sur les fonts baptismaux le néophyte Thomas Dutronc, et peut déclarer, à l’occasion d’un enregistrement d’anthologie (1997) en compagnie d’Angelo Debarre et Babick Reinhardt, la république libre d’un Samois-sur-Seine cher à Django. Mais qu’il enregistre (alors) l’indicatif ellingtonien « Take the ‘A’ Train » ou s’abandonne (aujourd’hui) à la tendresse dans « Dans le regard de Laura », Romane, virtuose non exhibitionniste, et papillon du manche, nourrit en permanence son jeu d’une douce poésie mélancolique. « Soir de trottoir », qui s’achève par des bruits de pas s’estompant dans la rue, et rencontre intimiste avec des partitions comme de vieux amis, réveille un bitume où brille « L’or » de Blaise Cendrars, naturellement arpenté par le déserteur Jean du « Quai des brumes » de Pierre Mac Orlan.

ROMANE
Soir de trottoir
(Frémeaux & Associés)