Nouvelle figure de la riche et brillante dynastie du piano cubain, le jeune Rolando Luna est l’héritier direct de Chucho Valdés et de Gonzalo Rubalcaba. Une sorte de cadet de Roberto Fonseca. Pour ce premier album enregistré en France, il se dédouble pour offrir une performance live et une séance studio. Faces sonne comme la traduction au clavier de sa propre biographie en construction…
PAR FRANCISCO CRUZ
ECLOSION ET PROMESSES
Sous l’influence fondamentale de la musique populaire cubaine et du jazz, Rolando Luna dédie son double album au chanteur Pablo Milanés et au pianiste Chucho Valdés, deux figures éminentes de la musique moderne de son pays. Milanés, fondateur du mouvement de la Nueva Trova cubaine, engagé dans le processus révolutionnaire original ; Chucho Valdés leader du groupe Irakere – la plus célèbre formation cubaine – durant presque trente ans.
Le parcours de Rolando Luna ressemble inévitablement à celui d’autres pianistes bien connus sur les scènes françaises : comme Gonzalo Rubalcaba, il est devenu pianiste sur le tard, après avoir pratiqué d’autres instruments. Comme Roberto Fonseca il a été l’accompagnateur attitré de la chanteuse Omara Portuondo et le clavier du collectif Buena Vista Social Club. Des écoles de haut niveau pour un jeune musicien, qui s’est révélé au monde entier lors du concours de piano du festival de Jazz de Montreux. Depuis, sa présence sur les scènes européennes ne cesse de s’affitmer.
En studio ou en concert, le programme que Rolando Luna présente dans ces Faces fait la part belle à toute la variété de musiques qu’il aime. Du mythique « O Que Sera » de Chico Buarque, au paradigmatique « Clair De Lune » de Claude Debussy, du presque secret « Distancias » de Chucho Valdés, au populaire « Golden Brown » de The Stranglers, des référentiels « Coltraneando » de John Coltrane, à la « Balada Con Michel » de Michel Petrucciani, sans oublier les accords fondateurs de « Saldiguera y Virulilla » de Ñico Rojas et « Lo Que Me Queda Par Vivir » d’Alberto Vera, deux compositeurs cubains presque inconnus du public international. Le tout arrangé par ses soins, avec une touche très singulière qui transforme et donne une nouvelle vie à des morceaux mille fois joués.
L’apport principal du pianiste, révélateur de son génie musical – qui échappe élégamment aux clichés festifs et gratuitement dansants – est inscrit dans ses compositions personnelles : la rencontre cubano-brésilienne de « Samba Con Clave », le chromatique « Coloreando Mariposas », « Alucinaciones » (déjà inscrit dans un précédent album) et « Eclosion » le titre d’ouverture de sa session live. Une belle entrée dans le labyrinthe sonore de Luna, initié à La Havane, enregistré à Toulouse, produit par le jeune label Esprit du Piano, fabriqué en République Tchèque et récemment révélé sur la scène du Bal Blomet parisien.
ROLANDO LUNA
Rolando’s Faces
(Esprit du Piano)
