ÉTAT DES LIEUX
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Après six ans de silence discographique, le guitariste considère que From This Place constitue l’un des points culminants de sa carrière. Entamons son ascension.
Enregistré en compagnie d’une brigade internationale (le pianiste britannique Gwilym Simcock, le Mexicain Antonio Sanchez à la batterie, et la bassiste malaisienne Linda May Han Oh) qui accompagne Metheny sur scène depuis des années, et avec le soutien du Hollywood Studio Symphony, ce disque est édité à un moment douloureux de la vie de l’artiste. Le 10 février disparaissait le claviériste, le compositeur, et l’ami Lyle Mays, co-fondateur du Pat Metheny Group en 1978. D’un point de vue politique, l’Américain considère que son pays a désormais basculé dans un délire paranoïaque, et a en conséquence souhaité établir un état des lieux musical au fil de ce 59ème disque. Le constat est alors immédiat : à 65 ans, Pat Metheny n’a rien perdu de son lyrisme, ni de sa capacité à trousser les partitions musicales de films imaginaires, dans sa description de paysages en cinémascope, et de turbulences affectives en plans séquence. Le guitariste peut légitimement nourrir cette quête ambitieuse descriptive, tant les couleurs de sa palette abondent, et qu’il a su s’entourer (on relève entre autres la présence dans le projet de Gil Goldstein et Alan Broadbent, en charge des arrangements orchestraux). Mais From This Place s’avère bien davantage qu’un simple tour-de-force. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter la chanson-titre, mélodie composée le lendemain de l’élection de Donald Trump, et dont la partie vocale a été confiée à Meshell Ndegeocello. Dans un écrin de soie se mêle deux chants : le constat de la catastrophe présente, et la conviction que les jours heureux reviendront. C’est beau et déchirant, et cela agrémente assurément l’un des meilleurs albums de Pat Metheny.
PAT METHENY
From This Place
(Nonesuch/Wea)
JAZZ
