COLERE NOIRE
PAR CHRISTIAN LARREDE
Les fans du noyau dur, attendant une nouvelle déclinaison de blues contemporain, vont être meurtris par ce septième album en dix ans pour le guitar hero texan, noir, et en colère.
Parvenu au milieu de son âge, Gary Clark Jr. avance désormais sans fards, dans ses choix de musique vitaminée (du rap au hard-rock, en passant par le reggae et le funk : on est loin d’une approche intégriste du blues), et dans des engagements politiques, aussi abrupts qu’explicites. Le chanteur a manifestement recherché ici l’efficacité et le caractère compact de son groupe de scène. Il fait à peu près tout dans cette quinzaine de chansons : composition, chant et guitare, mais également claviers et autres appareillage électronique. Il chante parfois comme Curtis Mayfield ou Prince, sample Elmore James ou recycle les riffs de tout un pan de l’histoire du punk-rock, des Ramones aux Rolling Stones. Les thématiques développées plongent à pieds joints dans la boue de l’Amérique de Trump, comme en témoigne la chanson-titre où Clark, récent propriétaire d’un ranch, répond aux remarques de voisins racistes : « Je suis fils de l’Amérique/Et je vous emmerde ! » This Land assemble l’individu et le collectif, un passé nourrisseur du présent, la colère et l’affection, et beaucoup de guitare, éruptive ou tendre, féroce ou délicate. Et tente de répondre, dans la colère ou la sophistication, à une question essentielle : c’est quoi, être noir, dans l’Amérique de 2019 ?
GARY CLARK JR.
This Land
(WB Records)
BLUES-ROCK