PURE JOIE

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

6 + 6 : en quelques mois (la vague de rééditions s’achevant en juin 2020), 12 albums remastérisés et augmentés pour certains d’inédits remettent de l’ordre dans la discographie du chantre du « good time jazz »…

Lui pardonnera-t-on d’avoir composé l’immarcescible standard « Misty » (particulièrement apprécié par Clint Eastwood, et utilisé dans le score de Play Misty For Me) ? Lui pardonnera-t-on cette vertigineuse succession de concerts, où il rendait heureuses des foules conséquentes ? Lui pardonnera-t-on un style unique, riche harmoniquement, laissant peu de latitude à l’ambiguïté et au clair-obscur ? Peu importe finalement, tant Erroll Garner sut conserver tout au long de sa carrière ce style tout de dynamisme et de pétulance. Ces rééditions, s’étageant de 1959 à 1976 (soit une année avant que la maladie ne le contraigne à se retirer de la scène) ne réhabiliteront pas un pianiste impétueux et tonique, car il n’en est nul besoin. En revanche, elles permettront de préciser de nouveau les contours d’un artiste totalement autodidacte (il ne savait pas lire la musique) et boulimique, capable d’enregistrer en prises uniques trois albums en une seule journée. Son approche stylistique lui permit de jeter un pont entre le swing initial et le bop qui pointait sa corne moderniste, mais la saveur de l’Américain transcende toutes les étiquettes, car, lorsqu’il jouait, Erroll Garner offrait un sentiment pur et élémentaire : la joie.

ERROLL GARNER

Octave Remastered Series

(Mack Avenue/Pias)

JAZZ