LES DESORDRES DE LA PASSION
PAR CHRISTIAN LARREDE
Disciple de César Franck et ami de Claude Debussy, Ernest Chausson – auteur d’un seul opéra, Le Roi Arthus – ne doit qu’à une mort précoce et accidentelle (une chute de vélo à 44 ans) de ne s’être ménagé qu’un strapontin dans la musique savante européenne.
Souhaitons que ce nouvel enregistrement de son œuvre majeure (dédiée au compositeur Henri Duparc, et dont on connait généralement les deux dernières strophes, intitulées Le Temps Des lilas), concourra à lui ménager une place plus conforme à sa dimension. Il faudra à partir de 1882 au compositeur près de dix années pour achever cette partition (deux sections et un interlude orchestral), sur un livret de Maurice Bouchor, ami, et poète un tantinet académique désormais peu ou prou oublié. Si la particularité de l’œuvre est de pouvoir être chantée par un homme ou une femme, sa qualité reste d’être extrêmement évocatrice des turbulences impressionnistes des éléments, et des désordres de la passion. Ce qui conduit Chausson à délivrer une partition où cohabitent la puissance tellurique d’un Wagner et le symbolisme de Debussy. La soprano Véronique Gens, qui avait déjà enregistré le seul Le Temps Des lilas, se tire à merveille de cette chausse-trappe de tendre clair-obscur et de tumulte incandescent, grâce à l’amplitude d’un chant virtuose, mais avant tout inspiré. Inspiré par le drame en devenir qui nous est conté, celui d’une vie qui se délite. La chanteuse est ici magnifiquement soutenue par Alexandre Bloch, successeur de Jean-Claude Casadesus à la tête de l’Orchestre National de Lille, et gardien des harmonies et de la pâte sonore. La dimension romantique du compositeur trouve une nouvelle acception avec, en complément de programme, un enregistrement de la Symphonie Op. 20, qui confirme le caractère remarquable de cet enregistrement.
ERNEST CHAUSSON
POÈME DE L’AMOUR ET DE LA MER/SYMPHONIE OP. 20
(Alpha-Classics/Outhere Music)
CLASSIQUE