AMBASSADRICE DU METISSAGE
PAR CHRISTIAN LARREDE
Troisième album pour la grand-mère de l’Amazone, merveille de synthèse entre les traditions musicales des esclaves venus d’Afrique, l’empreinte des colons blancs, et le flot de musique caribéenne, et, de manière plus tellurique, bel exemple constant qui agite encore aujourd’hui par la danse la ville de Belém : Rebujo (du nom d’un courant agitant le fleuve, charrieur de limon, mais également synonyme de danger, et symbole de la pulsion noire qui finit toujours par remonter à la surface de la domination blanche) mettra des couleurs et des tressautements dans les nuits d’été.
La désormais presque octogénaire, ici produite par le guitariste Pio Lobato, porte toujours haut les couleurs de la culture Pará, dans laquelle se mêlent tour à tour le carimbó, une manière de funk amazonien, et bolero et cumbia et samba (dont l’exemple le plus flagrant dans ce catalogue de onze chansons, « Musa De Babilônia », est illuminé par la présence du flow de Bnegñao, et son rap en droite ligne de Rio de Janeiro). Celle qui fut enseignante ou connaisseuse émérite des subtilités folkloriques de son pays, et désormais chanteuse sur le tard, se transforme alors en ambassadrice du métissage, comme une marque de fabrique de la nation brésilienne. Et c’est avec ravissement que l’on reçoit ses lettres de créance.
DONA ONETE
Rebujo
(Mais Um/Differ-Ant)
WORLD
4/5