Lors d’un voyage en Occitanie l’an dernier, on entendait ici et là parler avec enthousiasme d’un nouveau groupe musical au nom exotique. Programmé alors nulle part, on savait juste qu’il enregistrait un album surprenant. Piqués de curiosité, nous attendions sa sortie, mais il a fallu les écouter d’abord en concert à Paris ; avant d’avoir la confirmation discographique de leur talent.
PAR FRANCISCO CRUZ
Souvent déçus par la plupart des concerts, c’est vers la fin de l’année que le plaisir est revenu, lors de découvertes en live de plusieurs ensembles et solistes. Notamment, les prestations du groupe arménien Ladaniva au Théâtre de la Ville, de la chanteuse portugaise Lina_, au Café de la Danse, et du quatuor ChoCho Cannelle au Studio de l’Ermitage.
Mais, qui se cache derrière ce nom ? Camille Heim à la harpe électronique, le pianiste Arthur Guyard, Thimoté Renard aux clarinettes et le batteur Léo Danais. Chacun de ces musiciens apporte son lot de compositions personnelles et, à la sortie du processus de création, c’est un son nouveau qui se dessine sous l’influence du jazz-rock européen, du jazz-world, de musiques latines modernes, perméables aux traitements électroniques.
Les références musicales parlent bien de la dimension sonore et de l’espace où le groupe puise le matériau qui permet la construction de son répertoire, son éclectisme et son particulier traitement de l’improvisation pluri stylistique : on se réfère au batteur d’Aka Moon Stephan Galland, au flûtiste inclassable Magic Malik, tous deux bien connectés aux recherches de Steve Coleman. Certains morceaux nous rappellent des tournures et des séquences minimalistes familiers aux groupes jazz fusion scandinaves ou germaniques et, par ricochet, avec des formations latines sud-américaines (comme le groupe Fulano ou La Media Banda). C’est dire si le spectre est large, et séduisant. comme le drive et le groove sur lesquels se développe la musique de ChoCho Cannelle.
Plus loin, dans le spectre d’inspirations extra musicales qui diffusent directement ou insidieusement ses influences sur le répertoire du quatuor, on retrouve la peintre et poétesse mexicaine Frida Kahlo (dont un extrait de poème surgit comme titre de l’album) et le réalisateur étasunien Tim Burton (qui inspire une jolie berceuse composée à l’intention d’un enfant). Deux artistes à l’imagination créatrice si féconde qu’elle peut être une stimulation pour des jeunes musiciens à l’esprit ouvert aux mélanges formels et aux ruptures de style. Le cas des quatre musiciens en question.
Cependant, bien que la complicité, la complémentarité, la compréhension et la cohésion des quatre instrumentistes dans la réalisation de ce projet commun restent gravés sur disque, sur le terrain de la performance éphémère sur scène c’est la présence et le jeu de la harpiste Camille Hein qui porte la musique avec le plus d’aisance et de luminosité, notamment sur les passages improvisés. Tantôt soliste inspirée, tantôt sidewoman concentrée sur l’écoute de ses compagnons de voyage sonore, son entente avec le clarinettiste Thimothé Renard renforce le plaisir de l’écoute.
Emergeant d’un espace rural qui ne se caractérise pas spécialement par la réalisation des projets musicaux forts, la percée imprévisible de ChoCho Cannelle devrait se poursuivre sur le sentier de la reconnaissance sur des scènes nationales, des festivals et autres lieux d’accueil pour la musique sans étiquette.
La référence au ciel (dans le titre du projet) apparait soudain comme la plus pertinente analogie à la musique du groupe qui, dans le mouvement permanent, ne saurait être figée par aucune définition.
CHOCHO CANNELLE
Yo Te Cielo
(CVE/Modulor)