VINCENT SOREL > « MARTIAL SOLAL UNE VIE A L’IMPROVISTE »

Il y a quelques semaines, nous faisions l’éloge de l’autobiographie que l’éminent pianiste, compositeur et, surtout jazzman inspiré et inspirant, avait rédigé à l’intention des amateurs de musique intelligente, exigeante et créative. Maitre Solal vient de quitter ce monde. Le moment est propice pour parler du plus bel hommage extra-musical qu’il aura sans doute apprécié : une BD biographique sur ses traces.

PAR CLAUDIO DELLA MIRANDOLA

Musicien amateur de jazz, le dessinateur (et auteur). Vincent Sorel illustre et rend (encore) plus belle la vie musicale du pianiste français, guide esthétique de toute une génération d’improvisateurs de jazz. Fondé sur une écoute attentive de la (vaste) discographie de Martial Solal, des entretiens en tête à tête réalisés à la résidence du pianiste, sur une (plus que probable) lecture de la biographie de Solal avant sa publication et, servit par une ligne graphique très inspirée, épurée et bleue comme la note symbolique du jazz, l’oeuvre dessinée reflète parfaitement l’admiration que le musicien suscite chez le dessinateur.

Suivant une progression narrative qui se joue de la chronologie linéaire, avec des allers-retours dans le temps et des interludes transversaux qui révèlent aussi la familiarité du dessinateur avec le langage musical, la BD est chapitrée avec dynamisme, élégance et une bonne dose d’humour subtil.

On ouvre ce voyage graphique par l’improbable et drôle rencontre (imaginaire) de Martial Solal avec la chanteuse pop-soul Beyoncé ! Histoire de situer sans équivoque le territoire dans lequel Solal a développé une vie remarquablement riche d’événements musicaux. Pour conclure avec des confessions intimes, dont l’indiscutable plaisir d’avoir joué sa musique en solitaire à la salle Gaveau, sorte de temple de la musique classique parisienne. Un demi-siècle plus tôt c’était lui en trio qui y introduisait le jazz (au grand dam du classicisme bourgeois).

Entre les deux, il y a ses prestations à l’étranger (notamment à New York), la reconnaissance sincère des jazzmen d’ailleurs, les témoignages élogieux de ses « enfants » musicaux, sans oublier sa migration depuis Alger à Paris, la précarité des débuts à Saint-Germain-des-Près et son succès comme compositeur de musiques pour le cinéma. Désormais, on peut retrouver le meilleur de sa musique grâce à une sélection discographique que le dessinateur Sorel a eu le bon esprit d’ajouter à la fin de son récit. Requiem.

En deux mois, avant sa disparition, Solal aura laissé une coda magnifique. En deux mouvements de littérature musicale : son autobiographie et cette BD qui la suit, comme un chorus chargé d’émotion et de gratitude. Lui, qui préconisait la maitrise absolue du matériau inscrit dans l’improvisation, donne l’impression d’avoir maitrisé même son départ.

Adieu Martial, bien joué.

VINCENT SOREL

Martial Solal, Une Vie A L’Improviste

Editions du Layeur, 224 pages, 28 euros