Si l’on adhère au principe cher à Hermeto Pascoal (le célèbre poly-instrumentiste brésilien), selon lequel tous les sons peuvent faire partie du matériau musical et toute source sonore peut être à l’origine d’une pièce musicale, ce livre d’initiation au traitement du son pourrait aussi stimuler les enfants musiciens du futur..
PAR CLAUDE DELEUZE
LE PLAISIR DE JOUER
Sensibiliser les enfants à la musique, passe par le plaisir du jeu sur le et les sons. Le plaisir de jouer est inhérent à la majorité des enfants et c’est, malheureusement, une notion qui se perd progressivement dans nos sociétés stratifiées.
Point besoin de trouver un éminent maitre instrumentiste, ou d’atteindre des âges arbitraires pour toucher des instruments dans un Conservatoire. Pas non plus besoin de payer des sommes parfois importantes pour que les enfants aillent jouer dans une institution musicale réputée.
Ce livre ludique vous invite à activer un peu l’imagination, et vous incite à jouer avec les petits enfants. En utilisant toutes sortes de matériaux : notamment des sources sonores naturelles, comme le corps humain, les pierres, l’eau, les fruits, les graines, les bois, les cannes, les coquilles…; mais aussi industrielles, comme les papiers, les métaux, les verres ou le plastique. Un beau moyen aussi de recycler certains objets d’usage courant qui remplissent les poubelles du monde et polluent la vie de ces mêmes enfants.
Il n’y a là rien de nouveau ou même d’ « anachronique », ni de dérisoire, quelque soit le point de vue de ceux qui cherchent la nouveauté ultime, ou rejettent tout ce qui n’est pas branché aux systèmes électroniques digitaux. Car, cette invitation au jeu est un principe ancestral, pratiqué dans toutes les communautés humaines pré-industrielles. Et qui demeure vivant dans les environnements où la musique – traditionnelle ou pas – continue à jouer un rôle de lien social quotidien et pas seulement un spectacle. Avant de jouer des instruments orchestraux (industriels en série ou des pièces uniques fabriquées par des luthiers) les enfants se passionnent pour le son.
Ceci demeure actif et réel pendant toute leur vie chez beaucoup de brillants musiciens que l’on retrouve dans les circuits les plus sophistiqués de la musique mondiale : des célèbres flûtistes, trombonistes ou saxophonistes qui jouent des conques, des percussionnistes et batteurs qui jouent des calebasses et des pierres, des guitaristes, violonistes ou bassistes qui jouent des instruments monocordes, sans oublier ceux qui fabriquent leur propre instrumentarium original en marge des modèles conventionnels. Ils jouent avec imagination et plaisir.
Par ce temps, où l’incroyable développement de l’ingénierie électronique produit des effets néfastes sur la capacité inventive, la créativité et la fascination pour le jeu chez les enfants, quand tout (ou presque) se retrouve déjà pre-enregistré, programmé et prêt-à-utiliser, sans aucune intervention volontaire autre que la pression sur un bouton, face à l’invasion de l’ « intelligence artificielle », inviter les enfants à souffler dans une canne ou à battre de l’eau dans une bassine végétale semble une façon plus naturelle d’approcher le son qui deviendrait musical.
Puis, il y a aussi dans cette approche une attitude plus écologique, et un esprit de résilience spontanée. On n’incite pas à pratiquer le démagogique «pouvoir d’achat», et on comprend que les enfants peuvent commencer à jouer et s’acheminer vers la musique sans besoin d’atteindre ou de posséder un bel (et cher) instrument. Ensuite c’est la passion, le talent inné, la créativité, et l’accompagnement stimulant de l’adulte qui permettra à l’enfant de poursuivre sur les divers chemins de la musique. Dans des écoles, mais surtout par la pratique instrumentale quotidienne et collective. Pour devenir un artiste, créatif et passionné, et pas un simple musicien praticien employé dans les orchestres ou les studios.
NICOLAS LAFITTE – MARIE BRETIN
Sons et Musique
Bayard Jeunesse. 70 pages, 13,90 €