AURELIE GARAND  – « DEPUIS QU’ILS NOUS ONT FAIT ÇA…»

 

Il y a là une violence humaine trop humaine, qui ne ressemble à aucune autre, même pas à la plus instinctive violence animale. Une violence réfléchie, construite, méthodique, sélective, destructrice, avec préméditation et malveillance. La violence policière… Dans ce pays où certains se disent fans du swing manouche de Django Reinhardt, où d’autres admirent les riffs d’Angelo Debarre, où l’on applaudit débout Titi Robin et des tsiganes du Rajasthan ; dans un autre monde, celui de la culture.…

PAR FRANCISCO CRUZ

RACISME ET NEGATION DE L’AUTRE

Un sujet délicat, une réalité effroyable. Un thème de brûlante actualité. Très difficile à traiter, tant il y a confusion et confabulation des pouvoirs politiques et économiques qui utilisent cette violence. Les médias français parlent souvent des violences policières ailleurs : en Iran, en Chine, en Afrique du Sud, au Brésil…Leurs homologues étrangers parlent pourtant bien de cette réalité en France, et ça finit par débouler dans certaines pages de médias indépendants. Quand cela touche des secteurs assez vastes de la société (gilets jaunes, étudiants) où sont impliqués prolétaires et bourgeois, de tous âges et de diverses origines. Ce qui démontre que ce pays autoproclamé « défenseur des droits humains » (selon le souhait de quelques hommes remarquables), n’est pas meilleur que les autres dans ce domaine. 

Et même si, sous d’autres latitudes, le racisme est au centre des inégalités et de la violence sociale, dans laquelle périssent les indigènes et les minorités de toutes sortes (ethniques, spirituelles, politiques), après la lecture du livre d’Aurélie Garand, on se dit qu’ici ce n’est pas mieux. Le traitement infligé par le pouvoir, ses agents politiques et policiers, aux personnes d’origine africaine ou arabe en dit long. Mais, une population est la victime désignée, la plus persécutée et incomprise de toutes : les « gens du voyage » (nom générique qui désigne les roms, les gitans, les tziganes, les manouches…). Des nomades, qui par culture ancestrale résistent à la sédentarisation, et qui représentent un casse-tête pour le système de contrôle assigné à la police. Une population de gens persécutés, enfermés dans des camps pendant la dernière guerre mondiale, exterminés par les nazis et qui, dans les temps actuels, sont toujours parqués dans les espaces insalubres des villes françaises et européennes. 

Ce livre est un témoignage accablant contre la violence policière à l’égard de cette population nomade. Ecrit par une femme (le courage des femmes contre les oppressions et l’injustice est une constante planétaire, de la Birmanie au Nicaragua), sœur de la victime (un homme) d’un événement tragique, qui a rejoint la lutte contre cette violence d’Etat. Lutte que mènent aussi d’autres sœurs de victimes (de jeunes hommes et des enfants), africaines et maghrébines, victimes de violences policières. 

Son frère, assassiné devant sa famille, dans leur maison rurale, par un commando antiterroriste de gendarmes équipés pour la guerre, était désarmé, enfermé à l’intérieur d’une pièce minuscule. C’était un homme qui appartenait à une famille, à une communauté, à une ethnie, qui aime la liberté de mouvement comme condition primordiale de l’existence. Un homme qui purgeait une peine de prison pour vol et qui, autorisé à sortir pour quelques heures en raison de sa « bonne conduite », refusait de retourner derrière les barreaux. Une raison suffisante pour l’abattre ? De cinq balles de fusil en pleine poitrine…

Apparemment, cette intervention était bien légale pour la justice française, qui a acquitté les responsables. Seule la Commission Européenne des Droits de l’Homme semble en désaccord. Mais l’homme, comme d’autres victimes, est déjà mort. 

AURELIE GARAND

Depuis Qu’Ils Nous Ont Fait Ca…

Editions du Bout de la Ville