ALAIN GERBER – « NAISSANCE DE LA BOSSA NOVA »

Une pause dans son incessant cheminement à travers les sentiers du jazz, permet à Alain Gerber d’aborder en profondeur l’histoire de la naissance et de l’évolution d’une autre de ses musiques de prédilection : la bossa nova. Il nous parle de ses origines dans les quartiers bourgeois de Rio de Janeiro, de sa double évolution (au Brésil et aux Etats Unis), de sa mondialisation, de sa persistance dans la mémoire et de sa dilution esthétique. Un voyage fascinant et dissonant de Corcovado à Tokyo, en passant par la Californie et New York.

PAR FRANCISCO CRUZ

Antonio Carlos Jobim et Elis Regina

BOSSA NOVA, CREATEURS ET HERITIERS

Autrefois, le producteur Alain Gerber nous invitait à partager les microphones de France Musique pour présenter et découvrir des musiques de jazz (ou proches du jazz) Puis il a continué son parcours en nous invitant à lire sa pensée sur les musiciens de jazz. En toutes occasions, et bien qu’on puisse ne pas adhérer à certains de ses points de vue, ses invitations ont toujours été un plaisir partagé, un moment d’amplification des connaissances, une mise à jour de notre amour pour la musique. 

Aujourd’hui, place à la bossa nova. Dont la paternité naturelle pourrait (pour une fois) être attribuée à un trio : Antonio Carlos Jobim, Vinicius de Moraes et Joao Gilberto. L’auteur, jouant sur le mode historien – et faisant recours à une vaste bibliographie et à des nombreuses interviews de musiciens -, délaisse un moment la critique romancée du jazz et s’embarque pour une croisière de 30 ans qui débute avec «Chega de Saudade» et s’achève doucement dans l’amertume des morts successives de ses plus grands créateurs.

Nara Leao et Antonio Carlos Jobim

Si les plus riches et documentées pages de cet ouvrage sont consacrées à Jobim et Gilberto, on remercie l’auteur de rendre justice à une chanteuse souvent oubliée, mais qui est une figure fondamentale dans l’évolution féminine de la bossa nova : Nara Léao. C’est dans sa maison familiale que la bossa nova prendra sa forme d’origine et elle-même sera la doyenne de toute une dynastie de chanteuses allant de Leni Andrade et Elis Regina à Rosa Pasos et Paula Morelenbaum. 

Gerber, très à l’aise dans le domaine, consacre une belle partie de son travail à l’adoption étasunienne de la nouvelle bossa, et au rôle clé joué par le saxophoniste Stan Getz, sans perdre l’exigence naturelle de son écoute critique. Bien qu’il reconnait volontiers la syncope jouée par certains jazzmen de la west cost dans la reconnaissance mondiale de la bossa nova, il ne mâche pas ses mots envers l’industrie musicale nord-américaine qui aura simplifié et même réduit cette musique à une sonorité easy listening. 

Antonio Carlos Jobim, Roberto Menescal et Marcos Valle

Dans ses excursions acoustiques vers la Baie de Guanabara, Gerber a le mérite de mettre en relief le précieux travail de développement fourni par Carlos Lyra, Marcos Valle et Roberto Menescal au Brésil, mais aussi par Romero Lumambo et Eliane Elias aux Etats-Unis, par Baden Powell et Eumir Deodato en Europe…

Il rappelle également à quel point la bossa nova a influencé toute la nouvelle chanson brésilienne réunie sous la sigle de MPB (Musique Populaire Brésilienne), comment Jobim et Gilberto sont fondamentaux dans la musique des plus grands chanteurs, tels Caetano Veloso, Chico Buarque et Gilberto Gil.

João Gilberto, Caetano Veloso et Gal Costa

Et bien qu’il néglige la figure controversée de Joao Donato, et s’arrête chronologiquement avant la reconnaissance mondiale de Vinicius Cantuaria et de Luciana Souza, Gerber a le bon sens de restituer à la bossa nova sa valeur de musique la plus importante du Brésil au vingtième siècle. 

Saravah, Alain, Saravah !

ALAIN GERBER

Naissance De La Bossa Nova

Editions Frémeaux & Associés