J’ACCUSE

APRÈS LE TUMULTE, LA DÉCEPTION

PAR CHRISTIAN LARREDE

C’est évident : l’affaire Polanski a supplanté l’affaire Dreyfus. La sortie en novembre 2019 de cette évocation de ce que l’on peut considérer comme un cas d’école (de la magistrature) s’est accompagnée d’un tel tumulte, et d’un si considérable (nouveau) scandale sexuel à charge du metteur-en-scène Roman Polanski, que l’on a peut-être omis de préciser que J’accuse n’est peut-être pas un très bon film…

Dans les premières scènes du film, le Colonel Picquart, antisémite et fier de l’être, s’exclame, apprenant sa mutation au contre-espionnage : « mais je ne connais rien aux Renseignements ! » Dans la bouche de Jean Dujardin, en charge du rôle, ce cri du cœur offre un dérivatif à plus de deux heures d’un cinéma languide et convenu. Impressionniste, tant le metteur-en-scène ne précise qu’à peine les contours historiques, politiques et sociologiques du dossier (une séance d’autodafé de livres, bienvenue pour rappeler qu’alors – le XIXème siècle – sévissait la peste brune avec la même hargne qu’aujourd’hui). Rien d’une réalité dans ce quotidien, où l’on s’écharpait dans les familles sur le sujet. La narration est à l’avenant, pesante et moralisante, même si l’on reconnaîtra aux artisans du film un sens aigu de la reconstitution historique, et au réalisateur une vigoureuse direction d’acteurs et une méticulosité de chaque plan.

J’ACCUSE
de Roman Polanski