ERIC CLAPTON – « THE LADY IN THE BALCONY »

 

L’actualité politique et sociale a aussi une résonance culturelle, esthétique, artistique et musicale. Le monde de l’art traverse une période spécialement trouble au cours de laquelle les artistes reflètent parfaitement l’errance de leurs concitoyens. Dans ce contexte, le guitariste Eric Clapton présente au monde son dernier projet : The Lady In Yhe Balcony : Lockdown Sessions. Probablement, le plus important de sa longue carrière musicale.

PAR FRANCISCO CRUZ

Il convient se pencher sur la genèse de cet enregistrement pour mieux comprendre son importance. En février 2021, les concerts d’Eric Clapton au Royal Albert Hall de Londres, prévus pour mai, furent annulés comme conséquence des décisions prises par le gouvernement britannique autour du Covid. Déterminé à jouer, Clapton s’installa dans un manoir anglais pour enregistrer ce qui pouvait être un dernier album, en compagnie de ses musiciens complices : Nathan East (basse et chœurs), Steve Gadd (batterie) et Chris Stainton (claviers). Ce very spécial live eut une seule spectatrice – sans obligation de pass, ni de masque -, la compagne du guitariste. Clapton y enregistra ce nouvel opus (quasi)unplugged, contenant 17 titres ; dont 14 absolument acoustiques et 3 avec guitare électrique. La voix plus éraillée, mais avec l’énergie rénovée d’un résistant, Clapton y revisite ses classiques intemporels comme « Layla », « Bell Bottom Blues », « Tears In Heaven » et « Believe In Life ». Il reprend également des morceaux qui l’ont fortement influencé, lui et ses contemporains, comme «Black Magic Woman» – popularisé par Santana – ou «Man Of The World» de Fleetwood Mac, époque Peter Green. Il commence par un très sensible « Nobody Knows You When You’re Down And Out » de Jimmie Cox et culmine en trombe avec une rageuse version de «Got My Mojo Working» de Preston Foster.
En France, un film documentaire de l’enregistrement enrichi d’interviews d’Eric Clapton et des membres du groupe, fut présenté en novembre dans 30 salles du réseau Kinépolis.

Aujourd’hui, comme dans d’autres moments sinistres de l’histoire, la critique de l’art retrouve du sens comme critique de la société. On ne peut plus dissocier l’œuvre du contexte dans lequel elle est créé, présentée au public, diffusée, ou commercialisée. Après avoir été séparés de leur auditoire par des confinements successifs et des interdictions de déplacement, s’être soumis aux enregistrements de concerts sans public, les musiciens sont désormais aussi soumis aux lois du chantage performance contre vaccination.

L’ancien leader du groupe de rock Cream, Eric Clapton, est une victime directe des vaccinations imposées à tous (progressivement de façon obligatoire) contre un virus somme toute pas plus dangereux que d’autres. En raison des séquelles laissées par ses deux injections, et du refus de continuer à accepter les mesures liberticides de plusieurs gouvernements, Clapton ne put se déplacer pour présenter personnellement, son dernier album. « On m’a fait la première injection de AZ (AstraZeneca) et tout de suite j’ai eu des réactions très sévères qui ont duré une dizaine de jours – déclara Clapton. Finalement, j’ai récupéré et on m’a dit qu’ils me feraient une deuxième injection douze semaines plus tard. Puis, avec un peu plus de connaissance des dangers, j’ai accepté quand même la deuxième injection. Alors, les réactions ont été désastreuses : j’avais des douleurs insupportables aux bras et aux jambes, mes mains et mes pieds congelés ou ardents, restèrent inutilisables durant des semaines. A ce moment, j’ai pensé que ne pourrai plus jamais jouer la guitare…».

Depuis cette douloureuse expérience, Clapton ajouta : «Je continue le chemin de la rébellion passive, obligé d’accepter les règles imposées pour pouvoir aimer activement ma famille…, mais il m’est impossible de me mordre la langue avec tout ce que j’ai appris».

Eric Clapton participa à deux chansons de Van Morrison, «Stand And Deliver» et «Where Have All The Rebels Gone?», qui s’opposent aux mesures de quarantaine. «Cette chanson n’est pas agressive ni provocatrice – précise Clapton. Elle demande simplement où sont passé les rebelles? Sont-ils cachés derrière les écrans de leurs ordinateurs?» Face au chantage, concert contra pass de mobilité sanitaire, Clapton refusa de jouer dans des salles où on l’exige et déclara : «Van Morrison mérite notre soutien pour sauver la musique live. Nous devons faire entendre nos voix et trouver une issue digne. L’alternative est, simplement, de ne pas travailler à ce prix-là».

Le guitariste publia ensuite «This Has Gotta Stop», où il manifeste de nouveau contre les mesures dites « sanitaires » et contre la vaccination généralisée et imposée sous prétexte de Coronavirus. Indigné Clapton chante : «Je savais que quelque chose n’allait pas / Quand vous avez commencé à imposer votre loi / Je ne peux plus bouger mes mains, je transpire / J’ai envie de pleurer, je ne peux plus supporter». Et dans un autre passage : «Ça suffit, ceci doit s’arrêter / Je ne peux plus supporter ce BS (British Standard) / Ils sont allés trop loin / Ils veulent me prendre l’âme / Il faudra qu’ils viennent et fassent tomber cette porte».

Plus tranquille, l’ancien Cream confie : «J’ai toujours été un rebelle; toute ma vie je me suis opposé aux tyrannies et aux autorités arrogantes. C’est ce que nous avons aujourd’hui ici […] Ce que j’encourage, c’est la solidarité, la compassion, l’amour… Avec ces valeurs nous pourrons nous en sortir, je le pense». Reste à se demander si un nombre important d’artistes adhère aux mêmes valeurs. S’ils sont prêts pour une vie dans la résilience et la solidarité, la protection de la terre et ses habitants, dont leur propres enfants.

LES MUSICIENS ET LEUR CONSCIENCE

Si jadis, des musiciens européens ont réagi, dénoncé, condamné et mis leur art à contribution pour lutter contre l’oppression et les totalitarismes extra-européens, rares sont à présent ceux qui se réveillent pour dénoncer les violations des droits humains dans leurs propres pays. Beaucoup d’artistes, des musiciens – et parmi eux des jazzmen – sont restés sans réaction face aux décrets liberticides qui les transforment en victimes consentantes ou en complices refoulés d’une dictature déguisée. Certains – par peur aux effets secondaires des injections, ou parce qu’ils se rebellent contre les mesures politiques coercitives ? -, refusent de voyager, de se produire live, et désertent festivals et salles de concerts, reportant leurs prestations à un futur proche ou incertain.

Par convenance ou par méconnaissance, beaucoup d’autres somnolent dans le confort technologique ou la neutralité politique. Ou bien – ceux qui jouent un peu dans des lieux qui imposent des mesures liberticides – ferment les yeux et serrent les dents, se considérant obligés de travailler sans alternative pour survivre ?, supportant la violence et payant le prix qu’on leur impose -. On peut légitimement se demander où et à quel moment leur liberté d’esprit et la particularité (supposée) de leur conscience créatrice de valeurs et de beauté se sont à ce point évanouies. La situation est vraiment tragique.

Depuis la suppression de ses concerts à Londres en 2021, Eric Clapton a annulé, ou bien reporté à 2022, la plupart de ses lives prévus dans les tournées de cette année. Pour se consacrer à la préparation et réalisation de The Lady In The Balcony, désormais disponible à votre écoute.

ERIC CLAPTON
The Lady In The Balcony : Lockdown Sessions

(Mercury Studios/Universal)

Coffret CD et DVD ou 2 LP