BILLY VALENTINE & THE UNIVERSAL TRUTH

Un chanteur méconnu, resté dans l’ombre, comme nombre de ces artistes que les circonstances, la concurrence, laissent injustement privés de la fenêtre qui leur permettrait d’exposer leur talent : à plus de soixante-dix printemps, Billy Valentine se voit offrir la chance d’exprimer une sensibilité voisinedans son registre de celles des Curtis Mayfield, Leon Thomas… Une très belle session soul-jazz.

PAR ROMAIN GROSMAN

BILLY VALENTINE ET SON MOMENTUM

L’époque ne « fabrique » plus de talents soul ou très peu. La source s’est-elle tarie définitivement ? Le monde actuel incite à l’immédiateté, à une forme de standardisation. Des qualificatifs pas vraiment raccords avec la trajectoire de Billy Valentine, 73 printemps.

Entre 1978 et 1987, avec son frère John, il signe quatre albums au sein des Valentine Brothers. Son hit, « Money’s Too Tight To Mention », écrit sous l’ère Reagan (président ultra-conservateur des Etats-Unis), fait écho à la récession d’alors. « C’était vraiment ce que nous vivions avec mon frère. Les difficultés à assurer les fins de mois, à payer le loyer. » Mais c’est sa reprise, deux ans plus tard par Mick Hucknall et Simply Red, marqué lui par les années Thatcher, qui rafle la mise, grâce à une meilleure diffusion.

Travelin’ Light, le premier enregistrement solo de Billy Valentine date de 2006. Suivront No Better Than This, en 2007, avant une éclipse de dix ans et la publication de Brit Eyed Soul en 2017 : déjà des reprises, mais des Stones, des Bee Gees, pas vraiment le meilleur canevas pour cet enregistrement pas dépourvu de charme, où son chant est plus proche de celui d’un Bobby Womack ou d’un Ron Isley.

Le plus souvent, Billy Valentine a mis sa voix de ténor, son écriture ou son savoir-faire au service des autres : il est la voix du chanteur des Five Heartbeats dans le film éponyme de Robert Townsend en 1991. Il est le co-auteur de chansons pour Ray Charles, les Neville Brothers, Pops Staples. Il s’est longtemps produit dans des clubs de Los Angeles. Il y a gagné le respect de ses pairs, mais toujours loin de la lumière, du grand public.

Sa connexion avec Bob Thiele, Jr., qui remonte à cette période, est à l’origine de cette session conçue autour de huit covers. Pas n’importe lesquelles : « We People Who Are DarkerThan Blue » (Curtis Mayfield), « Sign O The Times » (Prince), « The Creator Has A Master Plan » (Leon Thomas) et, tout un symbole pour le fils du fondateur du label FlyingDutchman réactivé quarante ans après: « Home Is Where The Hatred Is » de Gil Scott-Heron, héro d’une maison de disques dédiée à un soul-jazz engagé, spirituel. Il y a de tout cela dans la voix ambrée, profonde et douce, sage et légère, de Billy Valentine. La présence de Larry Goldings (piano), PinoPalladino (basse), Immanuel Wilkins (saxophone) ou Theo Crocker (trompette), renvoie elle aussi à ces heures glorieuses où les musiciens concouraient pleinement à la qualité de la performance du leader. « Lorsque Bob (Thiele Jr.) a évoqué l’idée de relancer le label de son père avec ces chansons qui résonnaient en moi, nous étions au début de la pandémie, et peu après l’affaire George Floyd. J’ai eu l’impression que nous faisions le bon choix, au bon moment. J’ai toujours aimé l’engagement d’artistes aussi différents dans leur expression que pouvaient l’être les Last Poets ou Donny Hathaway ».

Même dans la retenue, la pudeur, Billy Valentine trouve dans ce double écrin – un répertoire ad-hoc, l’accompagnement de partenaires haut-de-gamme, musiciens et producteur -, le momentum pour imprimer sa marque sur cet album digne et révéler un interprète qu’il nous tarde de découvrir en live.

Pour info, le prochain album du label sera dédié à l’auteure Caroline Randall Williams, en mode spoken word, avec Ron Carter et Donal Harrison à ses côtés.

BILLY VALENTINE & THE UNIVERSAL TRUTH

Billy Valentine

(Flying Dutchman/Acid Jazz/Pias)