Aux Etats-Unis, la réunion des Dobbie Brothers est un événement. Le groupe qui a connu deux époques distinctes – pour simplifier, la période rock, autour de ses guitaristes leaders Tom Johnston et Pat Simmons, la phase soul avec Michael McDonald aux claviers et au chant, est enfin au complet, en studio pour un nouvel album, Walk This Road, et pour une tournée mondiale. Et il n’est que temps de rendre à ce groupe l’hommage qu’il mérite.
PAR ROMAIN GROSMAN
Bien avant le recours au terme « americana », une manière de définition pratique qui permet d’empiler toutes les musiques populaires étatsuniennes – rock-country-pop-soul…-, les Doobies ont comme peu de groupe incarné l’adn de l’Amérique en matière de racines et de traditions. Fondé en Californie dans les années soixante-dix par les guitaristes et chanteurs Tom Johnston Patrick Simmons, le groupe est très vite devenu populaire avec ses hits rattachés dans notre imaginaire à l’Amérique des seventies, écoutés sur un auto-radio, dans une décapotable, sur une highway brûlée par le soleil: « Listen To The Music », « Long Train Runnin », « China Groove » …
Remarquables musiciens et vieux routiers de la scène, le groupe s’est aussi taillé une solide réputation en live.
Sa réinvention en 1975, année du retrait de Tom Johnston (problèmes de santé), a permis l’arrivée d’un chanteur immense, doublé d’un auteur-compositeur remarquable : Michael McDonald, icône aussi bien dans la communauté afro-américaine pour son ancrage dans la soul – écoutez notamment ses albums remarquables dédiés à la Motown -, qu’auprès du grand public mainstream pour sa voix tellement singulière, et ses mélodies classiques. Le groupe a alors pris un tournant blue-eyed soul sans se renier, et signé quantité les intemporels : « Takin’ It To The Street », « What A Fool Believes », « Minute By Minute »…
Une mutation rare dans l’histoire des groupes de rock. Puis Tom Johnston est revenu, puis Michael McDonald a suivi sa route en solo.
Passée la réunion-anniversaire pour les 50 ans des Doobie Brothers, les baroudeurs grisonnants se sont réunis pour la première fois en studio : les Doobies des deux phases tentent de concilier leurs sensibilités. Walk This Road, est une session apaisée, fidèle à ce que l’on aime dans le passé du groupe. Sans provoquer les sensations mémorables de ses heures glorieuses, sans décevoir non plus. Les riffs de « Walk This Road », la voix de Mavis Staples en renfort, l’air des grands espaces qui emporte sur « Here To Stay », ou encore le très « Neville Brothers », « The Kind That Lasts » et son new orleans groove, et la voix de McDonald toujours aussi irrésistible : un parfum de nostalgie flotte évidemment ici.
Le groupe enchaine sur une tournée qui passe par l’Europe, sans une halte par chez nous ! Une tristesse, quand on sait le savoir-faire de ces vieux routiers du rock (on recommandera le live de 1982, à Santa Barbara, disponible sur le net, avec un groupe à son sommet)…
THE DOOBIE BROTHERS
Walk This Road
(Rhino)