VOYAGE DANS SA TÊTE
PAR CHRISTIAN LARREDE
Á bord d’un voilier, deux amis parcourent l’océan au cours d’une navigation quasi mutique. Une île étrange et désolée va peser sur leur destin.
Sont-ils amants ou simplement camarades ? Fuient-ils le monde ou sont-ils en quête de l’absolu de la pérégrination sans fin ? Incarnent-ils, plus simplement, une paire duelle, ou un seul et unique désir ? Sommes-nous lovés au creux d’un thriller, ou le fantastique et le surnaturel ne vont-ils pas irrémédiablement tout supplanter ? Et le parasitisme animal et social, dans tout ça ? Ne pas déflorer le soupçon d’une ombre de réponses aux questions qui précèdent impose de se concentrer sur la personnalité de l’auteur, bordelais exilé à Bruxelles, et de sa pratique dans le contexte de ce premier album en one-shot : oscillant entre un lavis en noir et blanc (et un rendu de gris assez voisins de la pure virtuosité) et des gravures à l’eau forte – plus spécifiquement à l’aquatinte -, Réglat-Vizzavona édifie un univers d’une grande originalité, en équilibre fragile entre étrangeté et puissance des passions. Si l’espace s’agence en sages périmètres, il n’en est pas de même de leurs contenus, où la folie rayonne avec force. Certains lecteurs en témoignent, de n’avoir « pas compris la fin ». Pourtant, la morale de ce conte maritime tient en quelques mots : Le Passager, définitivement pas celui qu’on croit, mais entité qui voyage sans naviguer, s’immisce dans chaque articulation du récit. Il est présent à la moindre case, et rappelle que « l’enfer, c’est les autres ».
PATRICE RÉGLAT-VIZZAVONA
Le Passager
Editions Warum, 156 pages, 22 €