PABLO CUECO – « LE DON »

Désopilant. C’est la grande surprise du moment, et elle a de quoi réchauffer les esprits. Le percussionniste et compositeur, qui excelle au zarb dans des ensembles de musique contemporaine, adepte du jazz et autres improvisations inclassables, amant de la peinture par de lumineuses journées d’automne, tape fort avec un romain noir étonnant et jouissif.

PAR FRANCISCO CRUZ

LA MORT DANS TOUS SES ETATS

Musicien reconnu dans le monde tout en finesse de la percussion persane, apprécié pour son attitude bienveillante et une grande gentillesse dans ses rapports humains, Pablo Cueco affiche une écriture fort raffinée pour décrire avec le soin d’un orfèvre certains agissements criminels les plus sordides. Ici, il adopte les traits et porte les habits d’un tueur né, plus affuté qu’un serial killer de gare, qui tue comme il respire, avec la froideur d’un sportif de haut niveau et le soin esthétique d’un chanteur pop. La narration déclinée à la première personne, démarre par la description de ses pulsions assassines d’enfance, et nous conduit par le sinistre cheminement d’une vie consacrée à la mort de ses semblables.

Avec un humour redoutable, Cueco (son personnage) fait passer des crimes odieux pour (presque) des jeux amoraux. Ou de nécessaires « nettoyages » de l’hypocrisie et des faux semblants de la société petit-bourgeoise. Pourtant, point de méprise, on est bien loin du par delà le bien et le mal nietzschéen.

Les victimes du tueur variaient selon les saisons, les années, les sauts d’humeur et, aspect important à ne pas négliger, le hasard de l’improvisation créative qu’on retrouve chez les jazzmen. Les victimes fondatrices de sa composition meurtrière sont des cyclistes, mais l’expérimentation varie et touche des inspecteurs fiscaux, des violeurs, de restaurateurs dégueulasses… la liste est longue et la description croustillante. Le personnage ne laisse pas indifférent.

Métaphore habile, le meurtrier devient respectable sociétaire, prestataire de services pour le domaine privé et public, entrepreneur dans la mort à forte rentabilité, éliminateur éclairé de dérangeantes personnes (vieilles ou pas), et finit par passer des contrats mirobolants avec des autorités financières chinoises … Toute ressemblance de cette fiction littéraire avec la réalité actuelle est « pure coïncidence »…

PABLO CUECO
Le Don
Qupé Editions, 146 pages 15€