Dénonciation violente du racisme colonial européen ou quête douloureuse des identités perdues des peuples amérindiens, le premier romain de l’écrivaine péruvienne résonne depuis les hauteurs du Machu Picchu jusqu’au Champs de Mars, deux scènes paradigmes d’une esbroufe historique exposée au Musée du Quai de Branly. Edifiant.…
PAR FRANCISCO CRUZ PHOTO DANIEL MORDZINSKY
VOL ARCHEOLOGIQUE ET IDENTITAIRE
Sign Of The Times, pour paraphraser un titre emblématique de Prince, l’écriture de l’auteure est directe et sans concession. Crue et par moments, excessive selon certains. Elle écrit comme elle parle, à la première personne, sans fard, sans masque, sans faux semblant ; la tête haute et le cœur brisé. Femme actuelle, fatiguée de se faire maltraiter par la testostérone – pour reprendre une expression chère à la chanteuse Buika -, Gabriela Wiener libère son âme et sauve qui peu ! Son ménage à trois, avec un compagnon péruvien et une compagne espagnole, un métis et une blanche, bat de l’aile, comme si cet arrangement conjugal et sexuel ne lui convenait plus. Cela la fragilise au point de mettre en cause toute son histoire personnelle, familiale, culturelle et même génétique.
Le drame des générations actuelles, héritières du génocide amérindien aux mains des envahisseurs conquérants et colonisateurs européens, s’incarne en elle. Profil d’amérindienne et nom germanique, l’auteure joue son propre personnage à double culture. Emigrée en Europe, souffrant du racisme espagnol envers les sud-américains, mais davantage cultivée que la majorité des locaux, elle raconte ses peines et ses colères avec tempérament et pas mal d’humour.
Mais, lors d’une visite au Musée du Quai de Branly, retrouvant son visage sur une statue précolombienne volée dans les Andes, dans la salle dédiée aux trouvailles de son propre ancêtre, l’explorateur Karl Wiener (francisé Charles), reconnu de façon absurde comme le « presque » découvreur de la cité du Machu Picchu, son esprit craque. Et le lien avec l’Exposition Universelle de Paris, au début du XXème siècle, humiliation suprême pour des peuples aborigènes du monde exposés comme des animaux de foire au Champs de Mars, est tout tracé.
GABRIELA WIENER
Portrait Huaco
Editions Métailié. 160 pages, 19,60 €