VERY BAD TRIP
PAR FRANCISCO CRUZ
Aimer la voix, la musique, le personnage joué par la fulgurante chanteuse des Big Brothers & The Holding Company est une chose, tomber amoureux de Janis Joplin est une toute autre aventure qui peut se révéler létale. David en a fait les frais. Il est le personnage central de ce romain noir passionnant, tragicomique et irrévérencieux, qui se joue sur les scènes enfumées de Sinaloa (Mexique) – carrefour névralgique du trafic de drogue – et de Los Angeles (USA) – plaque tournante de toutes les consommations hallucinogènes -, livré avec une insolente aisance verbale par un digne successeur de Carlos Fuentes. Un violent éveil post trip.
«Ils lui montrèrent des instruments pour arracher les ongles des pieds, et d’autres pour émasculer ceux qui ne voulaient pas passer aux aveux. À mesure qu’ils le torturaient, David acceptait de déclarer n’importe quoi (…) tout ce que voulaient entendre le policiers. (Il) avouait, saignant du crâne, du nez et de la bouche (…) un ongle en moins.»
La violence, qui jadis fut le signe distinctif des policiers au service des dictatures militaires anti-communistes, continue ici sa sale besogne sous l’autorité de politiques devenus partenaires des trafiquants de drogue.
«Janis m’a fait signe et je l’ai suivie. Elle était maigre, insistante…». Une histoire parfois cocasse, tragicomique souvent et même drôle, par séquences, qui relie sexe, sport, politique, drogue et musique et sert de décor (trompeur) pour raconter, derrière le rideau de la scène, le théâtre de l’horreur qui se jouait alors (et aujourd’hui encore) dans le tréfonds des sociétés latino-américaines gangrénées par l’économie néo-libérale. Quand l’empire de l’argent associe financiers et narco-trafiquants, politiques et militaires, la corruption est totale et la société du crime devient une machine ultra efficace.
« David fut transféré à l’unité des prisonniers politiques, (il) fit connaissance de Peñuelas (qui) ressemblait à Keith Richard…».
Une société en plein chaos, des grands médias achetés, des histoires qui font peur aux gens, des masses manipulées et, pour ceux qui se détourneraient des sillons fixés par le pouvoir, par naïveté bienveillante ou éveil des conscience : poursuites, assassinats et éloignements…
«Ils volaient si haut qu’il ne distinguait rien (…) On lui avait attaché un bloc de béton au cou (…) il ne serait pas sauvé. Mais peu lui importait : Janis l’attendait, avec ses cheveux ondulés, superbe…»
ELMER MENDOZA
L’Amant De Janis Joplin
Editions Métailié, 280p,
19,20€ (papier), 12,99 (numérique)