Retour en force du public au Parc de Saint-Cloud, pour cette nouvelle édition du grand rendez-vous rock parisien. Avec un accent nettement français, en l’absence de figures internationales vraiment novatrices, des nouvelles têtes d’affiche s’affirment désormais dans le paysage musical post-covid. Parmi les plus remarquées, La Femme et Izia…
PAR FRANCISCO ET LUNA CRUZ
ROCK MADE IN FRANCE
A plus d’une occasion, nous avons pu constater la tendance (fâcheuse à plusieurs égards) d’une programmation de plus en plus rock instillée au cœur des festivals de jazz, pour des raisons qui relèvent plus de la rentabilité financière que de l’artistique. L’inverse reste une exception (Miles Davis, Herbie Hancock, à une autre époque, Nils Petter Molvær plus récemment).
L’afro-américain Robert Glasper s’est glissé cette année d’un univers musical à l’autre. Accueilli sur les plus importantes scènes du jazz européen, il est ici présent dans ce festival sur une scène secondaire. Ce qui aura pour effet bénéfique de booster sa performance et de bonifier sa musique.
Cette année à la Porte de Saint-Cloud il y aura eu, certes, les belles voix pop des britanniques London Grammar, le revenant Nick Cave, le slammeur belge Stromae, les électro-survivants germaniques Kraftwerk, dans un aller-retour temporel qui nous laisse un goût de renouvellement improbable. Cependant, pour les amateurs de rock, dans ses différents styles, une sensation domine : la musique électronique a pris le dessus, au moins au niveau de l’exposition.
A LA RECHERCHE DU ROCK PERDU
La Femme – groupe pop-électronique qui naguère propulsa sur le devant de la scène la (désormais) très en vue Chiara Luciani -, n’est plus une promesse, mais une formation solide au répertoire bien peaufiné, qui s’éloigne subtilement de l’expérimentation pour s’installer dans un cadre plus mainstream de pop internationale. Avec une qualité certaine, une ampliation du spectre vocal, et un goût plus affirmé pour l’interaction corporel avec le public. Probablement, le contact avec des foules méditerranéennes, ces dernières années – et une popularité croissante en Espagne -, a libéré leur plaisir de jouer sur scène. C’est un vrai show qui attendait les festivaliers avec en cette session 2022. Après le départ de la douce et magnétique Nina Lili J, le groupe a fait le choix de l’exubérance en invitant trois femmes à danser sur scène. Parées d’immenses perruques, en talons aiguilles et décolletés furieux, pour accompagner la voix de la magnifique et solaire chanteuse Ysé. Le spectacle était total, le chanteur Marlon enchaînant des chansons des deux derniers albums avant de faire sensation avec le très populaire «Sur La Planche» et le nouveau single «Sacatela», précurseur de leur nouvel album à venir, en espagnol. On verra alors la réaction du public français.
La prestation de Tame Impala était La plus attendue par les festivaliers et celle qui aura probablement ramené le plus de spectateurs. Et pour cause : le magnétique chanteur Kevin Parker n’était pas venu avec son groupe depuis bien longtemps dans la capitale française. Le concert, visuellement splendide, millimétré, frôle le presque parfait. Une vraie proposition sonore et visuelle. Toutefois, même si les fans semblent ravis d’entendre leurs chansons favorites en live, le show aussi beau soit-il, laissera la sensation du pré-enregistré. Identique à d’autres qui ont déjà eu lieu ou à venir. La surprise reste absente. On ne dévie pas de la partition, tout s’enchaîne sans temps morts et la présence des musiciens ne semble plus totalement incarnée.
La figure la plus éclatante de cette édition de Rock en Seine restera sans doute celle de la chanteuse Izia. La fille du regretté Jacques Higelin, fait honneur à la mémoire de son père (artiste majeur de la chanson française), en offrant au public une performance ultra énergétique et musicalement très convaincante. Pour restaurer le lien mis à dure épreuve par deux années à oublier. On se souvient qu’en plein confinement, elle criait haut et fort sur les réseaux sociaux, lors de concerts privés, sa rage et son désespoir devant tant d’abus autoritaires qui détruisaient les liens sociaux. Aujourd’hui l’énergie est mise davantage dans l’espoir volontariste de ne plus se laisser enfermer par la peur. La fin de ces temps mortifères trouve une belle traduction dans la généreuse prestation d’Izia qui met tant d’elle-même dans ses interprétations, d’une chanson à l’autre.
Comme une tigresse trop longtemps enfermée et muselée, Izia se ré-approprie l’espace scénique en chants, danses, rugissements et textes endiablés. Ensorcelant un public emporté sans résistance par cette vague de joie et de fureur. Non contente de partager quelques musiques de son dernier album, La Vitesse, Izia se fait plaisir et choisit d’interpréter des chansons de tous ses albums, pour une prestation très rock et très folle, jusqu’au bain de foule : le plaisir retrouvé de vivre intensément ces (très courtes) 60 minutes qui lui furent accordées. Comme à son habitude, Izia nous aura offert un concert bluffant d’énergie. La musique comme composant essentiel de son (et de notre) existence.