Ce festival pluridisciplinaire, d’inspiration écologique et adepte du principe du développement durable, a tenu sa douzième édition à Courbevoie, dans l’arrière-cour du centre des finances de Paris La Défense. Un paradoxe si l’on pense que c’est là où siègent les entreprises les plus polluantes et destructrices de l’équilibre écologique, dans l’Hexagone et ailleurs.
PAR FRANCISCO CRUZ
PARADOXES DANS UNE ATMOSPHERE TOXIQUE
Durant la journée, des multiples versions culinaires végétariennes, végétaliennes, véganes, présentent et font déguster des mets novateurs, dans une perspective d’alimentation saine. Aux saveurs de proximité locale et de qualité bio. Une cuisine détoxifiante, pourtant servie à la lisière de rues bondées d’automobiles polluantes à souhait.
Après conférences et tables rondes, animées par des astrophysiciens, anthropologues, primatologues, glaciologues et autres experts scientifiques, le temps est au théâtre et à la musique. Le soir, les spectacles ont pour fond d’écran l’image des buildings de verre et d’acier de La Défense, autrefois symbole du progrès et aujourd’hui de l’empire néocapitaliste et de ses sinistres crimes contre l’humanité. A commencer par la destruction de la vie animale et végétale – sous des cieux pollués par des milliers de satellites de surveillance, l’électromagnétisme poussé à des niveaux insoupçonnés -, et l’extraction des combustibles fossiles hautement toxiques, qui génèrent guerres et destructions massives. Le royaume mortifère des oligarchies financières qui dirigent le marché de ce monde, les institutions et les gouvernements autoritaires à travers la planète.
Et nous voici au cœur de ce festival atmosphérique qui se voudrait écologique et sensible à la sauvegarde de la nature planétaire. Au milieu d’un public adulte (plutôt âgé) qui cherche une issue à l’impasse du consumérisme libéral, et d’artistes qui cherchent eux aussi des pistes et du sens à leur inspiration créative. Tous, soumis aux avatars très dangereux de l’omniprésent système de communication digitale 5G, responsable de la destruction de milliers d’espèces animales et de la dégradation progressive du système immunitaire des humains. Pourtant (presque) personne ne semble s’inquiéter de la portée pathologique des téléphones « intelligents », surfant d’une application à une autre, photographiant et filmant des images d’une banalité majestueuse. Ces gens-là sont-ils prêts pour sauver leur propre vie ? Le voudront-ils ? La question mérite d’être posée.
Lors d’une pause réflexive vers la fin du festival, c’est à travers l’image cinématographique que surgissent certaines esquisses de réponses à ces questions fondamentales. Comme dans une boucle, toujours ouverte, se rejoignent les images de Sans Filtre (son titre originel est Triangle of Sadness ), le film controversé du réalisateur suédois Ruben Östlund, Palme d’Or à Cannes en 2022, et celles de La Montagne, film français de Thomas Salvador.
La critique violente, mais pas moins jouissive, de Sans Filtre, décortique l’absurdité d’une société globalisée livrée aux caprices cupides d’une infime minorité d’ultra-milliardaires qui ont fait fortune dans les domaines les plus glauques du commerce mondial – les excréments d’animaux en élevage industriel ou la fabrication de mines anti-personnelles et autres « joyaux » du marché des armements -, sans oublier des pétroliers, banquiers et oligarques de la téléphonie.
Depuis l’intérieur d’un yacht hyper luxueux, ces milliardaires gouvernent le business mondial, exploitant sans état d’âme tant leurs employés, que leurs prestataires de service, et jouissent sans aucune retenue de leur colossale fortune. A cette élite de criminels « légaux », se joignent par hasard deux symboles de l’extrême banalité (ou de la stupidité infinie) issue des réseaux sociaux qui servent efficacement le projet de déstructuration sociale prônée par les idéologues de la gouvernance (ou dictature) mondiale : une « influenceuse » star d’Instagram et un mannequin de mode qui passe le plus clair de son temps à faire des vidéos niaises de sa compagne et à les publier sur le réseau social à la mode.
Le film, certes, n’ajoute guère à ce que les gens conscients savent déjà, et n’apporte rien de plus qu’un diagnostic sombre et accablant sur l’état de corruption de nos sociétés « démocratiques » et des élites dirigeantes. Néanmoins, il a le mérite d’ouvrir les yeux de ceux qui croient encore massivement à la « réalité » propagée par la télévision et les réseaux sociaux. Il permet de glisser aussi l’hypothèse d’un possible ou improbable renversement fortuit (accidentel) de la situation actuelle : et si les élites perdaient leur pouvoir et si leur survie dépendait un jour de la volonté d’un humain « inférieur », exploité et dénigré ? En l’occurrence, quelques milliardaires survivants après l’explosion du yacht se retrouvent ici à la merci du savoir survivaliste de l’ancienne employée chargée du nettoyage des WC ! Des étasuniens et des russes dont la vie (ou la mort) dépend d’une femme philippine…
Aux questionnements que cela suscite, répond un autre film, sur un autre registre. Dans La Montagne, un technicien spécialiste en cybernétique expose les (douteuses) capacités d’un robot de son invention à un auditoire d’entrepreneurs ennuyés. La scène se déroule vraisemblablement dans le sud-est français et, par la fenêtre, l’inventeur se retrouve littéralement happé par la puissance magnétique de la montagne voisine, à la blancheur éblouissante. Ce scientifique laisse tomber sa vie citadine confortable et aisée, pour aller camper sur la montagne majestueuse. Il l’explore, subit des accidents mais, de plus en plus aspiré par les mystères qui se dévoilent à lui, se lance dans l’exploration de ses moindres recoins. Il découvre que les masses imposantes que l’on admire de loin, sont aussi fragiles. Les roches sont tenues par l’adhérence des eaux glacées. Et quand celles-ci fondent, la montagne se désagrège…
Or, les pays (dits) riches polluent tellement qu’ils provoquent des réchauffements criminels qui détruisent tout, partout sur la planète. Aucune volonté politique ne semble retarder ce processus démentiel. Le Covid n’a été qu’un énième subterfuge utilisé pour dévier l’attention et favoriser les dessins des états pollueurs.
Entre-temps, l’homme amoureux de la montagne retrouve aussi dans les hauteurs, la lumière de l’amour d’une femme. Sa vie change du tout à tout. Explorant les entrailles de la montagne, il découvre d’autres formes de vie, des existences dans d’autres dimensions, des organismes inconnus et luminescents. A leur contact, l’homme devient lui aussi luminescent.
L’attention d’un regard différent, une nouvelle écoute, une vision non destructrice de la nature, l’oubli du profit, l’abandon définitif de l’idée de progrès qui a mené notre société humaine au bord du collapse, sont suggérés comme autant de portes vers un dépassement de l’impasse d’une humanité dégradée.
Cela impliquerait bien entendu, le renoncement à (presque) toutes les commodités technologiques… et d’oublier la valeur néfaste de l’argent. Il faudrait réduire de façon drastique la vitesse de nos déplacements, éliminer l’alimentation industrielle -génétiquement modifiée, bourrée de pesticides, d’antibiotiques et de conservateurs cancérigènes-. Refaire partie intégrante de la nature et repenser le temps infini dans lequel nous existons, pendant un très bref moment.
Serons-nous capables de relever ce défi vital ? Rien n’est moins sûr, mais rien n’est plus urgent. L’écologie n’est pas une mode éphémère, ne peut pas être une (im) posture. C’est une façon d’exister dans un monde à réinventer.