Pianiste, bassiste électrique, guitariste et batteur, Diego Amador est le musicien le plus surprenant que l’on puisse rencontrer dans le cercle du jazz flamenco. Il joue du piano comme s’il jouait de la guitare. Ce style si particulier identifie son jeu et fait de lui un musicien unique et inimitable.
PAR FRANCISCO CRUZ
Il y a plus d’une décennie sortait en Espagne son album le plus brillant, Piano Jondo, qui provoqua une spectaculaire explosion créative dans le monde ibérique. Cette bombe musicale retentit du côté andalou, provoqua un enthousiasme qui contamina une foule de jeunes amateurs et paralysa puristes et conservateurs du flamenco. La responsabilité du cataclysme fut alors endossée par le pianiste et guitariste Diego Amador, un gitano originaire des quartiers sud de Séville.
Amador aurait pu se contenter d’être un « patita negra », car ses frères aînés, Raimundo et Rafael Amador, fondèrent le célèbre groupe de flamenco-blues Pata Negra. A l’époque, il était encore très jeune et commençait à bien gratter sur sa guitare, mais, surprenant sa famille et les autres gitans, il décida de se mettre à la batterie. Puis il commença à jouer por buleria sur un orgue Hammond, s’abreuva de musique soul et de r&b, reproduisant les solos de jazzmen. Son destin de guitariste flamenco connut un changement radical : le piano et l’improvisation devinrent sa nouvelle passion. Définitivement.
Admirateur de Paco de Lucia, Amador s’engagea ensuite comme bassiste auprès du guitariste Tomatito, joua avec des jazzmen reconnus – le guitariste argentin Luis Salinas, le saxophoniste madrilène Jorge Pardo, le trompettiste nuyoricain Jerry Gonzalez, le pianiste valencien Chano Dominguez. Amador est tombé amoureux du jazz pour, selon ses propres mots, «jouer comme Chick Corea et Herbie Hancock réunis.» Décliné en solea, taranta, buleria, seguiriya, tango et tanguillo, traversé par des rafales de blues, de jazz, son piano demeure «jondo».
Le piano, comme la basse et la batterie, n’est pas un instrument flamenco. Amador a appris à en jouer seul, sans aucun référent sur lequel s’appuyer. Ses influences majeures sont des guitaristes : Paco de Lucia, Sabicas et même Niño Ricardo. Toutefois, Amador n’a pas appris le piano pour jouer du flamenco, mais pour interpréter du jazz.
Il a travaillé d’arrache-pied, durement et patiemment. Mais, après quelques années, il a fini par prendre conscience qu’il était naturellement flamenco et pas jazzman : il joue du piano comme de la guitare. Ce style si particulier fait de lui un musicien unique et inimitable. Souvent, il joue du clavier les yeux fermés : «quand je le fais, j’ai l’impression de jouer de la guitare».
Diego Amador privilégie sa propre musique. Néanmoins, après avoir joué avec Luis Salinas et Jerry Gonzalez, il développa un projet avec le contrebassiste Charlie Haden. Il arrangea divers thèmes composés par le créateur du Liberation Music Orchestra, notamment «La Pasionaria», «Our Spanish Love Song», «Sandino» et «First Song».
Pianiste autodidacte, Diego Amador innove, décale rythmes et formes, mais reste attaché à un matériau profondément flamenco. C’est chez lui une question d’identité, par-delà l’esthétique. Une affaire de gitans. A voir et revoir en concert…
LE 1ER JUILLET AU FESTIVAL NUITS FLAMENCAS D’AUBAGNE