WHAT’S NEW, MR. TARANTINO ?
PAR CHRISTIAN LARREDE
En 1969, Hollywood s’ébat dans de profondes mutations (l’écume de l’épopée hippie). Un acteur sur le déclin (Leonardo DiCaprio campe Rick Dalton, comédien spécialisé dans les rôles de méchants de série b) et le cascadeur – et doublure du premier -Cliff Booth (interprété par Brad Pitt) s’évertuent à comprendre ce qui se passe. Ils n’y parviennent pas toujours.
La nostalgie qui exsude de ce 10ème (et supposé avant-dernier) film du metteur-en-scène du Tennessee aura donc divisé les tenants d’une mélancolie régressive, et ceux qui considèrent que Tarantino finit par user de grosses ficelles pour dépeindre de gros sentiments. La vérité est naturellement ailleurs, et on s’empressera de ne pas saluer la reconstitution maladive d’une époque (fuyant la technologie numérique, le metteur en scène a utilisé des enseignes au néon en fac-similé, quel exploit) pour s’attacher plutôt aux quelques brillances du scénario (le personnage de Sharon Tate, joué par la solaire et sexy Margot Robbie, et une attendrissante scène dans une salle de cinéma, qui en dit beaucoup sur le besoin de reconnaissance, vorace et éternel, des acteurs), aux performances du duo de tête d’affiche –Brad Pitt exceptionnel -, et, accessoirement, à la prestation – même si longuette – d’Al Pacino en cameo de luxe. Mais ce qui affleure de ces évocations virtuoses (la course du gourou Charles Manson, le portrait en creux d’un capitalisme broyeur, et la chasse aux références pour un public qui se doit d’être averti) reste le plaisir de Tarantino. Plaisir à se vautrer sans retenue dans un métrage en 35 mm hors norme (2h41), à concocter une jouissive bande musicale (incluant quelques subtilités, comme la reprise du « California Dreamin’ » des Mamas & Papas par Jose Feliciano), et surtout, à reconstituer une enfance rêvée (cette année-là, l’Américain n’était âgé que de 6 ans). Et plaisir à évoquer, masqué à travers le personnage d’un DiCaprio bouffi jusqu’à la cirrhose, l’impuissance créatrice qui a fini par rattraper le démiurge de l’œuvre. Jusqu’au balbutiement d’une uchronie où, une fois encore après Inglourious Basterds, Tarantino tord le coup à la vérité historique, comme un dieu au petit pied. Malheureusement, Tarantino n’est pas Dieu.
ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD
de Quentin Tarantino