PAR CHRISTIAN LARREDE
…L’intitulé devrait se suffire à lui-même : le 30 août 1970, la 3ème édition de l’île de Wight tente de laisser accroire à 600 000 spectateurs que, survivante à Woodstock, elle peut perpétuer, avec l’aide de quelques poids lourds de la scène rock ou jazz (Miles Davis, The Who), des idéaux de partage, solidarité et fraternité. La suite prouvera (en surmultiplié avec les décès d’Hendrix ou de Janis Joplin) qu’il n’en est rien. Mais cette nuit-là (il est 2 heures du matin) The Doors, succédant au show d’Emerson, Lake and Palmer, et vaguement plombés par le relatif insuccès de leur double album Absolutely Live, édité en juillet, ont d’autres chats à fouetter : poursuivi pour attentat à la pudeur et usage de substances psychotropes, Jim Morrison jette à chaque concert ses ultimes forces dans une bataille dont il se désintéresse désormais. Il ne veut plus incarner la figure de proue du groupe, ni même se réincarner chaque soir en icône rock, lui qui se considère avant tout comme un poète. C’est dans ce contexte qu’est pour la dernière fois filmé le combo californien. Bénéficiant d’une restauration des couleurs et d’un remixage assuré par l’historique ingénieur du son Bruce Botnick, le documentaire rend, en 84 minutes et un catalogue étincelant de standards, hommage à l’effrayante puissance de ce colosse aux pieds d’argile (le chanteur ne bougera pas d’un pouce de tout le set), et à la compétence électrifiée de ces coreligionnaires. Captés dans une atmosphère monochrome (rouge rubis) et crépusculaire, The Doors déroulent une exceptionnelle et névrotique prestation.
DVD/THE DOORS
Live At The Isle Of Wight Festival 1970
(Eagle Vision/Universal Music France)
ROCK