Engagée dans un processus d’exploration de nouveaux territoires, Sandra Nkaké évolue, s’éloigne encore davantage d’une image vintage de chanteuse nu soul-funky qui lui avait, malgré elle, longtemps collée à la peau. Aujourd’hui, l’artiste dévoile un nouvel album, le plus profond, le plus intime. Cicatrices…
PAR FRANCISCO CRUZ
DEEP SCARS IN MUSIC
Les confinements successifs, l’administration de la peur et la violence policière utilisées par les autorités pour avorter tout mouvement de résistance sociale, les menaces et les persécutions contre les mouvements de vie alternatifs, l’ensemble de mesures liberticides concordantes avec la mise en place de la confabulation Covid ont laissé des traces profondes dans la structure sociale et dans les consciences individuelles. Les bouleversements intimes, les souffrances psychologiques et les blessures de l’esprit ont provoqué chez certains artistes des réflexions nouvelles sur leur rôle dans la société, le sens de leurs œuvres, mais aussi ouvert des brèches pour libérer l’exploration de territoires reculés de la mémoire et l’expression de sentiments refoulés.
Il y a quatre ans, nous n’aurions sans doute pu songer découvrir un projet comme Scars, dans la voix de Sandra Nkaké. Comment cet album a pu émerger, prendre forme et libérer l’esprit de sa compositrice de façon autrement thérapeutique, c’est une question en suspens qui probablement trouvera un jour une réponse (par-delà la sphère esthétique).
Pour le moment, nous sommes à l’écoute. D’une œuvre musicale marquée par la sororité. Ce sentiment (et attitude vitale de communion féminine) si ancien et si nouveau dans le langage actuel, car perdu dans les méandres de l’évolution des consciences et le labyrinthe d’une civilisation patriarcale. Sandra Nkaké dédie cet album… « A mes sœurs de cœur, aux femmes de ma vie et à nos rendez-vous impromptus et pourtant si nécessaires, qui sont l’occasion de parler de tout et de rien, mais surtout de se dire l’essentiel avec parfois peu (…) A celles que je ne connais pas, à celles que j’ai croisées, que j’ai écoutées, que j’ai lues qui m’ont donné de la force et de l’élan, je voudrais dire que je suis à leurs côtés, que nous sommes là, les unes pour les autres, et que notre union, la bienveillance que nous nous portons, sont notre puissance ».
Durant ces dernières années de manipulation politique et de violence financière, qui prend de plus en plus la forme d’une dictature mondiale inédite, les femmes ont été les premières à mener les combats, à dénoncer ce que la propagande d’Etat présentait comme un « contrôle sanitaire ». Dans d’autres circonstances, Sting, il y a 40 ans, ironie cyclique de la vie, prédisait que « les femmes (seraient celles qui) mettraient fin aux dictatures militaires », en Amérique du Sud…
Avec Scars, Sandra Nkaké emprunte de nouveaux sentiers. Après trois albums personnels salués par la critique et une (anecdotique, peu importe) Victoire de la Musique en 2012 dans la catégorie « Révélation de l’année ». Aujourd’hui elle parle d’exil et de violence, de partage et de déracinements, d’échec et de réussite. Mais aussi de moments originels en Afrique, de sororité et d’amour, de migration vers l’Europe, de la violence soufferte pour être une femme, noire et musicienne qui plus est. C’est pour elle le temps d’évoquer des rêves brisés, des réalités qui dépassent parfois ses attentes les plus belles, et de chanter le bonheur de panser les plaies et de dire les joies, en oeuvrant comme artiste, auteure et compositrice. De partager ses projets avec d’autres, dans l’intimité et sur scène. Dans de superbes modulations, d’une voix chargée d’émotion. Ici la danse devient lente, et le groove une pulsation profonde.
Présenté il y a quelques jours sur la scène du Café de la Danse -après sa création mondiale au Japon-, Scars sera au coeur d’une tournée estivale qui démarre. A Paris, ce fut une soirée de retrouvailles forte, autour d’une mise en scène soignée, d’une performance d’une intensité rare, marquée par un désir de communion féminine sans tabou ; pas excluante, mais plutôt ouverte aux hommes avec tendresse. Des hommes comme Ji Dru, flutiste et arrangeur, musicien incontournable à ce projet et au parcours musical de Sandra Nkaké.
SANDRA NKAKE
Scars
(PIAS)
LE 14 JUILLET A ARLES, LE 15 A JUNAS