LE MYSTERE PATTERSON
PAR ROMAIN GROSMAN
Après une longue éclipse, Rahsaan Patterson, l’un des artistes soul les plus créatifs de son époque, revient avec un nouvel album : à l’image de son auteur, jamais déceptif. Vingt-deux ans se sont écoulés depuis ses débuts, et l’album éponyme d’un jeune artiste au falsetto teinté, déjà, d’une forme de désenchantement. Comme si le succès – à l’époque, le jeune prodige new-yorkais était le « nouveau Prince », la « relève de la soul » -, ne suffisait à surpasser un mal-être, une forme de trop grande lucidité sur son talent, la notoriété, le fait de se conformer à l’idée que l’on projette de vous, ou sur vous (son coming out dans l’univers du r&b…).
Adoré par ses pairs – Lalah Hathaway et Rachelle Ferrell en tête (toujours présentes sur cette session), mais aussi plus tôt Brandy, Jody Watley, Van Hunt ou Chico DeBarge -, mais percevant avant l’heure que ce qui suscitait cette « adhésion », un son transgenre, nuancé, où soul classique, dance et electro décomplexées, diffusaient une séduction lente et fragile, le placerait tôt ou tard dans la marge, à distance du formatage consensuel et ennuyeux. Après un long hiatus, Rahsaan Patterson revient donc avec un (seulement) septième album en carrière, et toujours pas de renoncement. Ni à ses racines (les grandes voix de Marvin, Smokey, Al Green, Ashford & Simpson, MJ, Luther Vandross dont il reprend un titre ici), ni à ce soin à produire une musique, des mélodies, une interprétation, raffinées et soulful. A peine plus synthétiques, toujours extrêmement dansantes, les chansons de ce songwriter-interprète exceptionnel restent bien plus élégantes et touchantes que ce que la production actuelle nous offre (?). Et dans un genre qui n’existe que par son authenticité et sa sincérité, on se demande toujours pourquoi-comment Rahsaan Patterson reste le secret le mieux gardé de la soul contemporaine.
RAHSAAN PATTERSON
Heroes & Gods
(Schanachie)
SOUL