Pause dans l’usage systématique de son propre répertoire, lassitude post pandémique, ou simple panne d’inspiration ? En célébration du 20ème anniversaire de ses premières gammes professionnelles, la Suédoise opte pour un déroutant album de reprises.
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Ekdahl terre de contrastes : la soprano décide, dans cet enregistrement « à la maison » de faire cohabiter ici aussi bien des partitions de Billie Eilish (l’ouverture se fait sur « Wish You Were Gay ») et de Bob Dylan, des emprunts à James Taylor et aux Mamas & Papas. Si son chant mutin, espiègle, délicat et enfantin constitue le plus petit dénominateur commun de l’exercice en dix mouvements, on relèvera le contraste initié par l’usage alterné d’un orchestre de jazz et de la luxuriance d’une grande formation, scintillante d’une section de cordes plénipotentiaire. Le sentiment assez curieux généré par cet album reste que le déroulé qu’il offre – grosso modo soixante années de chansons populaires, et de ces refrains que tout un chacun fredonne sous la douche, tels « Stop ! In The Name Of Love » ou le « You’ve Lost That Lovin’ Feelin » des Righteous Brothers – se fonde dans un ensemble gommant, et aspérités, et spécificités. Comme si toutes les mélodies, et l’interprétation qui va avec, ne reposaient que sur une atmosphère unique (luxe, calme, et volupté) de sensualité chic, servie par un jazz after hours en parfait easy listening. Trois (modestes) éminences retiennent néanmoins l’attention : une version d’un « Dream A Little Dream Of Me » en piano stride, hâlé par le soleil californien, et par ailleurs chanson utilisée dans un documentaire, et de par le fait initiatrice du projet, la visite parfaitement matoise du « If I Were A Boy » de Beyoncé, dont le traitement en mode fifties fait mouche. Et une très décalée, très sensuelle, et très onirique adaptation du « I Should Have Known Better » des Beatles, où, sur un mode bossa, Lisa Ekdahl s’impose comme digne successeuse d’Astrud Gilberto.
LISA EKDAHL
Grand Songs
(Sony Music)