LILJA SIGURDARDOTTIR – « FROID COMME L’ENFER »

Aller-Retour entre Londres et Reykjavik, avec escale à Berlin et Toronto; comme dans un de ces vols low-cost où, pour trouver une place à bon prix, il faut traverser un quart de la planète et arriver à destination deux jours après. Pour le plus accessible de ses romans noirs, l’écrivaine scandinave s’amuse à chauffer l’ambiance glaciale, avec une galerie de personnages pittoresques et lamentables. Perturbés par le soleil d’été qui ne se couche pas…

PAR FRANCISCO CRUZ

 

Le salsero panaméen Rubén Blades chantait et faisait danser l’Amérique – de New York à Santiago – avec une valise : «…Dame la maleta que me voy…» (donne-moi la valise, que je m’en aille). C’était au siècle dernier, et cela faisait référence, notamment, à deux types de départs : celui d’un conjoint déçu, ou celui forcé par un exil politique. Chez Sigurdardottir, la valise sert à réaliser un autre type de voyage. Rien de politique ni de sentimental, mais plutôt un parcours métaphysique. Un aller simple pour l’éternité… si l’on croit à la vie au-delà, ou bien un départ vers le néant définitif.

Par un jeu narratif à saute-mouton entre l’Angleterre et l’Islande, on se retrouve accompagnant une jolie femme qui part à la recherche de sa sœur ainée, poussée par le pressentiment angoissé de leur mère. Qui craint le pire. A contrecœur, la jeune femme arrive à Reykjavik, et se perd dans une labyrinthe d’aventures sentimentales et sexuelles. Là, Aurora découvre les tréfonds sordides du trafic de drogues synthétiques, s’attarde sur les manipulations crapuleuses du monde financier, mais ne retrouve pas la trace de celle qui a disparue au milieu de l’aurore boréale, lors d’un instant infernal où le soleil semble éclipsé.

Au passage, l’auteure dénonce le traitement – infra humain – de l’administration à l’égard des migrants et aborde les mystères des psychopathies générées par les frustrations émotionnelles.

Plus « léger » que de coutume, ce romain noir de la prolifique écrivaine islandaise – qui ne se prive pas de citer soudainement la célèbre Björk -, s’ouvre à la lecture sur un rythme soutenu. Comme dans une techno party, la trame de la narration se dévoile sans temps morts et, malgré quelques syncopes subtiles qui intensifient l’attente, le dénouement bien que spectaculaire est cette fois presque prévisible.

LILJA SIGURDARDOTTIR
Froid Comme l’Enfer
Editions Métailié, 288 pages / 21 €