LA CHANTEUSE ET LES ORDINATEURS
PAR CHRISTIAN LARRÈDE PHOTO FABIO AUDI
Un cinquième album (4 années après son prédécesseur) qui fait la part belle aux machines du désir : avec Apká ! (interjection de l’un de ses fils lorsqu’il est heureux), la diva de São Paulo, désormais quadragénaire et plus célèbre aux États-Unis ou en Europe que dans propre pays, rappelle que la sensualité et le plaisir sont des choses trop sérieuses pour être confiées aux seuls humains.
Maria do Céu Whitaker Poças a appris la guitare brésilienne, puis les techniques de chant et de composition, l’art des musiques traditionnelles, enfin auprès de son père la subtilité de la musique savante brésilienne (Heitor Villa-Lobos), et, grâce à des amis, les techniques en usage dans l’univers des computers de studio. Surtout, elle a, dès ses débuts, agité le landerneau de la MPB (musique populaire brésilienne) par l’usage raisonné des synthétiseurs et autres séquencers. En une quarantaine de minutes et onze chansons (dont deux reprises, entre autres grâce à l’offrande d’une partition par le maître Caetano Veloso), elle démontre ici et encore une fois sa maîtrise d’un érotisme de douces scansions, et l’élégance absolue de ses mélodies en suspension. La fidélité concédée à une équipe réduite, mais reconduite d’un disque à l’autre s’agrémente de la participation de quelques éminences du genre (les vocalises angéliques de Séu Jorge), ou pas : dans le psychédélique « Make Sure Your Head Is Above », la guitare d’un Marc Ribot originaire du New Jersey rend un hommage explicite au tropicalisme des sixties, entre grâce et urgence. Mais que l’on ne se méprenne pas : dans son choix de teinter sa pop d’influences jazzy où rock et, naturellement, samba, par des vocalises souples et parfois même désincarnées c’est Céu qui, en toutes occasions, mène la danse.
CÉU
Apká !
(Six Degrees Records/Universal)
WORLD