ODE A LA NATURE
PAR FRANCISCO CRUZ
Il y a quelques jours, en évoquant les rockers engagés dans des causes humanitaires durant les eighties, on se demandait qui, parmi les musiciens actuels, pourrait agir en s’opposant aux crimes contre l’homme et la nature aujourd’hui. La réponse vint de la part de l’une des chanteuses les plus lucides et engagées de la scène africaine et mondiale : Angélique Kidjo. Son nouvel album est un véritable manifeste contre la destruction anti-écologique de la planète.
Angélique Kidjo avec Sting
Enregistré en complicité avec la rappeuse zambienne Sampa The Great, la chanteuse nigérienne Yemi Alade et l’auteure-compositrice zimbabwéenne Suhngudzo, la réalisation de Mother Nature a été pour Angélique Kidjo un échappatoire salvateur. « Cette unité, cette solidarité féminine, cette humanité, que j’ai ressenties à travers ces collaborations m’ont donné beaucoup de force. (…) Si nous voulons retrouver un sentiment de normalité, il faut que nous puissions tous chanter et danser. Nous faisons partie du même écosystème, cette planète c’est tout ce que nous avons. Pour assurer notre propre survie, nous devons reconnaitre cette humanité que nous avons en commun et apprendre à vivre ensemble. Il n’y a pas d’autres solutions ».
Exacerbant la peur de la mort virale, toutes les avancées écologiques pour essayer de préserver la Nature des destructions systématiques opérées depuis de siècles par le mode de développement industriel et, plus récemment par l’économie ultra-libérale, ont été mises au point mort par les autorités politiques du monde. « Nous n’existerions pas sans la nature – poursuit Angélique Kidjo. Elle nous élève, nous nourrit et, bien qu’elle soit assaillie de tous les côtés par nos industries, elle reste toujours si généreuse ».
Néanmoins, et c’est désespérant, depuis un an et demi, la destruction de l’Amazonie s’accélère, l’installation planétaire de la technologie 5G s’étend, qui, associée à divers projets satellitaires, provoque la destruction de milliers d’espèces vivantes par l’altération des champs magnétiques. La levée de l’interdiction d’utilisation de pesticides mortels pour les animaux et les humains est passée quasi inaperçue (des produits commercialisés par les mêmes laboratoires qui s’enrichissent avec le Covid…). Sans oublier la remise à jour de l’utilisation du plastique non-recyclable et l’exploitation sans limite des énergies fossiles à travers le monde. « Lorsque vous n’êtes pas tellement motivé par l’argent ou l’ambition, tout est alors question d’humanité », souligne Angélique Kidjo, pleine d’espoir.
Quel sens humaniste redonner donc à la musique et à la créativité artistique aujourd’hui ? Continuer à jouer ici et là, sans se poser de questions, en acceptant des conditions liberticides, comme si le fait de chanter, de jouer, d’écouter ou de danser étaient des concessions extravagantes et non pas des droits humains élémentaires ?
« Je veux que cet album puisse inspirer les gens, qu’ils retrouvent ce lien avec Mère Nature et sentent à quel point cette Terre nous est chère. (Il) est une lettre d’amour à toutes les valeurs qui nous sont chères : la vérité, la confiance, l’amour et le lien ».
Hormis les chanteuses précitées, Angélique Kidjo y invite aussi une panoplie transgénérationnelle de chanteurs, dont Sting, -M-, Salif Keita, le rappeur Burna Boy, Ghetto Boy, Mr Eazy. Mother Nature est aussi le thème qui inspire un film documentaire écologique réalisé par Yann Arthus-Bertrand.
ANGELIQUE KIDJO
Mother Nature
(Decca/Universal)
Le 11 septembre au Festival des Musiques Métisses (Angoulême)
www.musiques-metisses.com