PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Le scénario est connu, d’une pléthore d’artistes de par le monde qui après avoir planifié une tournée ont vu leurs espoirs de rencontres avec le public fracassés par la pandémie. Cet album, en témoignage de quelques concerts ayant échappé au virus, proclame en outre, et fièrement, une geste d’amour comme un éternel retour.
Plus d’une heure et demie de musique en deux disques, l’un des doyens du rock français pour plus de 50 ans d’âge, 150 musiciens se succédant au casting, plus de 20 albums (sans omettre les coffrets), et ici 4 rejetons d’anciens kobaïens (dont le bassiste Jimmy, fils de Jannick Top) : on a souvent réduit Magma à une arithmétique de l’emphase et de la surabondance. En omettant la démarche esthétique bouleversante d’originalité, un démiurge format XXL en la personne du chanteur et batteur Christian Vander, les épousailles permanentes entre le jazz coltranien, la musique savante européenne ou la fièvre des Balkans, et le souci du groupe de se réinventer. Pour preuve le line-up qui nous occupe ici : six vocalistes menés par Stella Vander, les deux figures pérennes de Thierry Eliez et Simon Goubert aux claviers, et le guitariste Rudy Blas.
Mieux encore, peu ou prou à l’instar de ce que réalisa King Crimson avec A Young Person’s Guide To, le groupe propose en live les très riches heures de son parcours, incluant des variations sur le thème de la trilogie Theush Hamtaahk (incluant quelques brefs ajouts inédits), un délice ancestral avec une version du «Kobaïa» qui figurait sur le premier album, ou un hommage signalé (cas rare dans les prestations du groupe) à la périphérie de John Coltrane, grâce à une reprise du « For Tomorrow » de McCoy Tyner, illuminée par un solo du patron. Plus surprenant, cette visite d’ « Auroville » d’un Michel Graillier qui intégra Magma durant deux années à partir de 1972, et accompagna Stella dans ses prestations en solo.
L’opus s’achève dans les crissements psychédéliques de « Tröller Tanz », composition de 1976 qui permet de retrouver une inspiration plus conforme à la tradition du groupe. Répertoire souvent peu exposé en live, côtoyant les incunables de l’ensemble, riches d’une nouvelle orchestration : Magma, toujours vivant, toujours puissant.
MAGMA
Eskahl 2020
(Seventh Records/Bertus)