GOOD VIBES ET FAUSSES NOTES
PAR ROMAIN GROSMAN
Pas simple de se mettre dans les pas de la grande Aretha, même avec les meilleures intentions…
Antibalas, groupe d’afrobeat new yorkais (light comparé aux formations de la fratrie Kuti) est donc le backing band choisi pour cet hommage à Aretha Franklin. Malgré plein de bonne volonté, quelques thèmes mieux réussis que d’autres, on saisit dès les premiers morceaux le hiatus. La musique de la légende afro-américaine, à la croisée du gospel, du jazz, du rhythm’n’blues et de la soul, requiert un background, une mémoire que le combo ne possède pas, à l’évidence. Le groove, la sensibilité, le blues, les arrangements des cuivres : on est loin du savoir-faire et de la vérité des comparses des années Atlantic, des Cornell Dupree, Bernard Purdie, Chuck Rainey et de ce son chaud et habité qui – c’est cruel, mais c’est ainsi -, a impacté pour toujours ceux qui ont grandi avec cette bande son de toute une époque. Et que dire de l’empreinte de la voix de la « Queen of Soul » ? Dès lors, malgré le choix du groupe d’ouvrir par un hit funky-dance de ses dernières années (« Who’s Zoomin’ Who ?», produit par Narada Michael Walden en 1985, pour une Aretha Franklin à la recherche d’un relooking face à l’avènement des Whitney Houston…), ses vocalistes se crashent copieusement.
Le combo se chauffe malgré tout, et l’arrivée des guests permet à la soirée de gommer ce mauvais départ. Zara McFarlane, entre nuance et humilité, soigne avec feeling une interprétation personnelle de « I Say A Little Prayer ». Alice Russel lui succède et, tout en puissance et en énergie, fait monter la température en signant un « Rock Steady » bien frappé. Las, José James flirte seulement avec la justesse et replonge le public dans une certaine perplexité. Heureusement, les grandes Bettye Lavette et Nona Hendryx, dans des registres bien différents – plaintive, au plus près du blues pour la première, sur la vigueur incandescente de cette soul des sixties, qui va bien au-delà d’un style, pour la seconde -, ont en elles l’adn de cette musique, du souffle qu’elle renferme. Le final – « Think », « Until You Come Back To Me », « (You Make Me Feel Like) A Natural Woman », « Respect » – permet de boucler cet hommage sur une note mémorielle digne et positive, mais révélatrice de ce que l’on a perdu en incarnation et en authenticité au fil des générations…