LA MÉMOIRE ET L’AMER
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
En 1945, un massacre aurait eu lieu dans un village autrichien, faisant plusieurs centaines de victimes juives. Un historien orthodoxe tente de situer le charnier, d’autant que la municipalité de Lendsdorf envisage un projet immobilier sur le site.
Ce film constitue l’évidente évocation du massacre de Rechnitz, au cours duquel, après une sauterie dans le château de la ville, les nazis ont massacré 200 juifs hongrois qui avaient été déportés dans cette commune autrichienne. Mais Les Témoins… est également un thriller, dont le ressort majeur reste cette course poursuite opposant un savant, qui ne croit qu’au triomphe de la vérité, et des promoteurs. Et c’est enfin une réflexion sur l’appartenance ethnique, culturelle et religieuse, servie par un de ces rictus sardoniques que nous réserve parfois la vie. Pour son premier film, Amichai Greenber saisit à bras-le-corps la problématique de la Shoah, et l’interpellation de la mémoire qu’elle implique. De belles idées (les pérégrinations, filmées en plongée, du savant dans les tranchées de fouilles creusées par les pelleteuses) ne dissimulent toutefois pas que le metteur-en-scène se raccroche souvent aux branches de l’académisme. Cette frilosité nuit donc au discours, en nivelant émotions et conflits, et en atténuant la puissance potentielle de l’histoire. Et c’est paradoxalement, contrebalançant l’austérité de l’investigation, dans les scènes intimes de quête existentielle que jaillit une vigueur inattendue. Sans dévoiler l’issue de l’enquête, on peut assurer qu’en bénéfice collatéral, cette dernière fait de l’historien un homme libre.
LES TÉMOINS DE LENDSDORF
de Amichai Greenberg