VENT ET MER, MÉMOIRE ET ARGILE
Moins présent en France – il y a 20 ans, il y jouait tous les mois -, le trompettiste sarde se ressource en Italie – entre musiques de film, théâtre et engagement social -, tourne davantage en Amérique du Sud et en Asie, et multiplie les enregistrements dans différents contextes. Quatre nouveaux albums éclairent son évolution musicale actuelle.
PAR FRANCISCO CRUZ
En duo avec le bassiste-violoncelliste suédois Lars Danielsson, Paolo Fresu suit un parcours mélodique à travers des paysages baroques, traditionnels scandinaves, pop latins, standard de jazz, improvisations en studio et compositions personnelles ; un défi de justesse d’exécution et d’économie de notes dans une ambiance dépouillée et élégante.
En 2011, le trompettiste avait surpris son monde en registrant pour ECM un album avec le groupe polyphonique corse A Filetta et le bandoneoniste Daniele di Bonaventura. L’expérience – snobée par le monde du jazz en France – a trouvé un écho inattendu dans le reste de l’Europe. À présent, ils récidivent avec un album puissant et mystique, où il est question d’hommages au poète martiniquais Aimé Césaire et au professeur résistant corse Jean Nicoli. Deux figures engagées dans la lutte contre les inégalités sociales, militants communistes, anti-colonialistes, anti-capitalistes. Un disque évident pour les uns, polémique pour les autres, qui vient de recevoir le Grand Prix de l’Académie Charles Cros.
À ses débuts – placé entre un quintette qui jouait en osmose et un quartette aux fulgurantes improvisations -, le projet Mare Nostrum, avec Richard Galliano (accordéon et bandoneon) et le pianiste Jan Lundgren, nous sembla consensuel et presque anecdotique. Le temps faisant son œuvre, le troisième volet de ce trio s’apprécie pour son épaisseur harmonique, tout en privilégiant le caractère spécifique de ces chansons sans paroles, où s’expriment l’affection des musiciens pour les belles mélodies et leur art de l’accompagnement.
C’est justement 20 ans après l’édition italienne du disque Argilla d’Ornella Vanoni – enregistré avec le quintette historique de Paolo Fresu, plus Nguyên Lê, Furio di Castri, Antonello Salis… – que le trompettiste et producteur décide d’en racheter les droits (à une major) et de le publier pour le reste du monde, donc en France. Un album lumineux et d’une totale actualité, qui met en relief la voix sensuelle de la diva, toujours amoureuse du jazz et de musique brésilienne – elle reprend des morceaux de Carlinhos Brown, Marisa Monte, Bobby McFerrin, Cole Porter, et aussi de Joan Manuel Serrat et d’Elton John -, et des arrangements remarquablement sophistiqués dans le domaine de la chanson.
LARS DANIELSSON – PAOLO FRESU
Summerwind (Act/Pias) 4/5
PAOLO FRESU – A FILETTA – DANIELE DI BONAVENTURA
Danse, Mémoire, Danse (Tuk Musik/Socadisc) 4/5
PAOLO FRESU – RICHARD GALLIANO – JAN LUNDGREN
Mare Nostrum III (Act/Pias) 4/5
ORNELLA VANONI
Argilla (Tuk Musik/Socadisc)