CHUCHO VALDES, LEADER MAXIMO
PAR ROMAIN GROSMAN
PHOTOS VINCENT ZOBLER (MACEO PARKER), KAWCZYNSKI (CHUCHO VALDES)
Un temps clément et une programmation futée : le NJP a plus qu’atteint ses objectifs, économiques et culturels.
Patrick Kader, le Directeur Général, et Claude-Jean Antoine, le Président du NJP, vont passer la main en douceur. Depuis pas loin d’un demi-siècle, le tandem a bien mené sa barque. Et l’édition 2018 est à l’image de leur travail de fonds, qui aura accompagné toutes les évolutions du jazz et des musiques cousines en offrant au public lorrain (et pas que) des tonnes de souvenirs – sont passées ici les légendes Miles Davis, John Lee Hooker, Dizzy Gillespie, Ray Charles, Nina Simone, B.B.King… – et encore cette année. On sous-estime souvent la curiosité et la sagacité du public. Dans ce week-end de clôture, caler Chucho Valdès et son projet « Jazz Bata » – où le pianiste ravive les racines africaines de son île en écho à son album éponyme de 1972 -, entre les Touré Kunda, de retour et en grande forme, et Alpha Blondy, fidèle à son reggae militant revisité, n’était pas dénué d’audace. Magistral, une main gauche souveraine et éruptive, une main droite joueuse et diabolique, le géant aura délivré en soixante minutes, un cours saisissant, amoureusement dédié à l’histoire de la (grande) musique cubaine. Où les rythmes africains (yoruba) – incarnés par ses jeunes et très talentueux complices Yaroldy Abreu Robles (percussions), Dreiser Durruthy Bombalé (batás) et Yelsy Heredia (contrebasse) – dansent sous ses doigts avec le jazz, le classique (l’école cubaine a été marquée par les enseignants soviétiques venus dès les années soixante former plusieurs générations de musiciens) avec une virtuosité éblouissante. Joyeuse, lumineuse, l’expression du maestro a fait chavirer la foule du Chapiteau, conquise, ravie. Chucho Valdès est bien l’un des derniers géants du piano encore en activité. Qu’on ne saurait assez vous inciter à écouter s’il se présente pas loin de chez vous.
Placé sous le signe du groove, la soirée finale accueillait Maceo Parker. Aminci, le saxophoniste légendaire de James Brown (puis de George Clinton et de Prince !) n’a plus l’énergie de ses grandes heures – lorsqu’il était le bras armé de la section de cuivres du « Parrain de la Soul», ou le fer de lance du trio formé avec ses compères Fred Wesley et Pee Wee Ellis -, et le temps qui passe l’a aussi assagi. Sur ses derniers albums, il rend hommage à ses idoles Ray Charles et Sam Cooke, sur un répertoire plus tendre. Et même lorsque le funk reprend ses droits, son jeu, plus économe par la force des choses, se recentre sur la syncope, et par là-même semble offrir le condensé, moins démonstratif, plus essentiel, d’une musique dont il est aujourd’hui l’un des derniers dépositaires…
Un joli week-end, entre histoire et patrimoine, pour boucler un NJP par ailleurs largement consacré à l’actu et couronné de succès avec Groundation, Jeanne Added, Charlie Winston…