DHAFER YOUSSEF – « SHIRAZ »

La période obscure et coercitive initiée par la pandémie de 2020, a eu pour conséquence l’absence voire la disparition de beaucoup de musiciens de la scène internationale. L’oudiste (et vocaliste) tunisien n’est pas une exception et son silence discographique se faisait sentir en Europe ; une pause forcée qui prend fin, de la plus belle manière, avec ce nouvel album.

PAR FRANCISCO CRUZ                                                         PHOTO  SABINE HAUSWIRTH

Si au début du siècle Dhafer Youssef avait connu un succès remarqué dans la sphère du jazz, avec un quartet fulgurant en compagnie du batteur Mark Giuliana, du pianiste Tigran Hamasyan et du contrebassiste Chris Jennings, et un trio très poétique avec le trompettiste Paolo Fresu et le guitariste Eivind Aarset, ses formations ultérieures et les albums qui s’en sont suivi n’ont pas connu le même impact. L’énergie exaltée de sa musique a bien évoluée depuis, et aujourd’hui il présente un disque nettement plus serein dont la succession de morceaux laisse entrevoir non seulement une évolution artistique, mais aussi une transformation profonde de son créateur.

Shiraz porte le nom et est dédié à la compagne de vie du musicien, la réalisatrice tunisienne Shiraz Fradi. Ce n’est pas une coïncidence, ni un simple geste d’homme amoureux. Cet album est imprégné non seulement de l’amour qu’il lui porte, mais aussi de la tristesse qu’aurait signifiée sa disparition, comme conséquence d’une maladie grave que se multiplie partout. Le spectre de la mort a laissé en Youssef des traces profondes et cela s’entend dès les premières mesures du morceau d’ouverture, « Rose Fragrance », dans la douceur intense de sa voix et, surtout, dans une suite en trois épisodes nommée « The Epistle Of Love ».

Après l’écoute itérative et aléatoire des morceaux on peut dire, sans crainte de paraître excessif, que Shiraz est l’un des plus beaux albums de Dhafer Youssef. Qui revient (sur scène également) en compagnie d’une nouvelle formation (des musiciens pratiquement inconnus en France), où l’on remarque spécialement le trompettiste Mario Rom et le pianiste Daniel Garcia Diego. L’amitié, ce sentiment si important dans les moments de fragilité, se cristallise ici par la présence sur quatre morceaux du guitariste Nguyên Lê, très pertinent aussi pour le design sonore de l’album.

Au milieu de la cacophonie ambiante et du vertige généré par la frénésie artificielle qui se répand dans cette société planétaire – malmenée par l’utilisation stupide de technologies cybernétiques-, on entend Shiraz (et notamment le titre « Eyeblink And Eternity »), comme un chant de remerciement à la vie. A confirmer sur scène cet hiver en France.

DHAFER YOUSSEF
Shiraz
(Act/Pias)

en concert

24 janvier : Thonon-les-Bains
8 février : Paris (Théâtre du Châtelet )