DANIEL SALDAÑA PARIS – « LA DANSE ET L’INCENDIE » – KARLA SUAREZ – « OBJETS PERDUS »

Deux femmes, deux histoires dramatiques, deux continents pour scène, et la danse comme ultime refuge où la vie tente désespérément de continuer. Une danse de survie, dans deux chorégraphies insolites où deux femmes s’inventent du sens pour vivre. Eloge de l’instant éphémère de l’art, dans un monde devenu banal et fatal.

PAR FRANCISCO CRUZ

CHOREGRAPHIES AMÈRES

LA DANSE ET L’INCENDIE

A Cuernavaca, au Mexique, les incendies se répandent comme un virus pandémique, encerclent les espaces citadins, paralysent les mouvements, empêchent les déplacements des humains, et permettent le contrôle policier absolu. L’enfermement des habitants provoque une réaction spontanée et incontrôlée : des corps sont pris dans un tourbillon dansant qui les possède jusqu’à l’épuisement et la mort. Dans ce contexte, Natalia prépare un spectacle dont le sens échappe à tous les autres, avec des danseuses improvisées qui disparaissent. Une chorégraphie de choc, inspirée des danses des sorcières moyenâgeuses, qui pourrait éveiller les consciences abruties par le tout-connecté des appareils, et désormais déconnectées de la vie. 

 OBJETS PERDUS

A Barcelone, en Espagne, une danseuse cubaine se perd dans des rues inconnues à la poursuite du voleur(se) de son sac. Où elle a gardé les objets les plus précieux de sa vie: des bracelets artisanaux offerts par sa fille et ses amis les plus chers. 

A Cuba, Giselle a du renoncer à tout dans sa vie de jeune femme pour pouvoir accéder au monde de l’art dansant. Mais en dansant pour manger dans les rues catalanes, elle réalise que ce temps est révolu et qu’elle ne sera jamais la nouvelle incarnation d’Isadora Duncan, ni la prochaine Pina Bausch. Elle a quitté Cuba avec une troupe de danseurs, a été arnaquée par un producteur à Marseille, puis a choisi l’exil à Madrid où elle ne se produira que dans un circuit alternatif très précaire. Sa vie artistique rêvée ne sera jamais dans les grands centres culturels du monde, mais dans la tristesse des boulots alimentaires. Ayant pour seules notes de joie irréductible, l’amitié inconditionnelle et la musique de Joni Mitchell.

L’art de la danse, probablement le plus affaibli par l’évolution de l’industrie culturelle, et le plus fragilisée par l’intelligence artificielle appliquée au monde de l’art, continue à vouloir survivre aux marges de l’errance absolue du monde actuel. Un monde habité par des gens qui ne dansent plus, et où les moyens autrefois consacrés à l’art et à la culture sont désormais destinés à la mise en place de multiples services de police…

Les vieux musiciens jouent les plombiers, les jeunes cinéastes tournent en faisant du ménage et les danseuses gardent et font des pirouettes avec les chats de la voisine. Pour manger. Après, pourront-ils avoir de l’énergie pour créer ? 

DANIEL SALDAÑA PARIS

La Danse Et L’Incendie

Editions Métailié 226 pages, 20€

 

 

 

 

 

 

 

 

KARLA SUAREZ

Objets Perdus

Editions Métailié 202 pages, 20€