En poursuivant sa cueillette de thèmes intemporels, inattendus, dans diverses époques, et dans différents registres, Cécile McLorin Salvant suit d’abord son instinct et une curiosité qui font (aussi) le bonheur de ceux qui l’écoutent. En suscitant la surprise, la chanteuse prend notre époque à contre-pied, et (nous) offre un contre-champ (contre-chant ?) salutaire à cette multitude de productions dépourvues de singularité, d’esprit d’aventure.
PAR ROMAIN GROSMAN
ESPIEGLE
Espiègle. Le mot peut sonner désuet, comme certains des airs repris ici. Comme certains arrangements choisis ici. Mais c’est justement cette légèreté, cette douce désinvolture qui font tant de bien lorsque l’on découvre les albums de Cécile McLorin Salvant, depuis son irruption sur la scène musicale. Même si l’on peut tiquer sur certains choix esthétiques – soit parce que notre mémoire peine à se détacher des versions originales (et cela en dit souvent plus sur l’auditeur que sur l’émettrice), soit parce que l’on n’est pas embarqué par l’imaginaire convoqué -, cette session déconnecte du (triste, violent) réel.
En cela, l’artiste remplit déjà sa mission. Divertir, au sens premier du terme, puis éveiller nos sens et nos émotions, en convoquant la légende de Mélusine – une femme qui se transforme, chaque samedi, en serpent, suite à une malédiction -, un humour et un esprit ludiques. Jouer avec les mots, les intonations, les notes, comme autant de ponctuations irrévérencieuses, mutines, est un plaisir évident chez Cécile McLorin Salvant. A travers cette histoire de personnage hybride, la chanteuse incarne aussi ses propres racines multiculturelles.
Le magnifique « Est-Ce Ainsi Que Les Hommes Vivent » de Léo Ferré et de Louis Aragon, le délicieux « Doudou » de CMLS elle-même : cinq thèmes originaux, neuf reprises, en français, en créole, en occitan, en anglais, servis par une diction parfaite, se succèdent comme autant de cases gravies à cloche-pied dans une marelle de rythmes, de langues, de parfums…
CECILE MCLORIN SALVANT
Melusine
(Nonesuch)