Le pianiste (et trompettiste) japonais, découvert en Europe en compagnie d’Arto Lindsay et de Vinicius Cantuaria, est un éternel amoureux de la bossa nova et du jazz. Désormais, sa figure élégante n’arpente plus les rues parisiennes. Comme tant d’autres artistes, Miyake a quitté cette ville. Lui, pour accomplir de nouveaux projets artistiques ailleurs ; d’autres parce qu’ils voient Paris ternie par le mercantilisme et la peur. En guise d’au-revoir, il a laissé un nouvel album, l’un des plus ouvert de son iconoclaste collection.
PAR FRANCISCO CRUZ
Sa musique, d’une finesse indéniable, a bien séduit danseuses et esthètes occidentaux, et son goût du raffinement a fait de lui un compositeur prisé dans le monde des beaux-arts. Peu enclin à monter sur scène, ce n’est pas le musicien en concert mais le compositeur en retrait, entouré du silence, qui a toujours pris le devant tout au long de son parcours, le portant un jour à Wuppertal dans l’atelier de création de Pina Baush, un autre offrant son imagerie sonore sur les films d’Oliver Stone ou de Wim Wenders. Sur scène, on l’avait vu à São Paulo -avant la confabulation Covid-G5-, avec Ryuichi Sakamoto.
Dans Whispered Garden, les expérimentations formelles et les formats orchestraux se multiplient, les musiciens d’origines diverses apparaissent ci et là dans des formations fluctuantes, inédites, improbables. Au fil des plages on retrouve la voix, la guitare et les percussions de Vinicius Cantuaria, la voix de Dhafer Youssef, le violoncelle de Vincent Segal, la noise guitare d’Arto Lindsay, Dave Liebman au saxophone soprano, les percussions de Zé Luis Nascimento, pour ne citer que les musiciens les plus familiers parmi nous. Ils se partagent les partitions et les impros avec une pléiade de samourais du son japonais contemporain : le bassiste Hitoshi Watanabe, Hideo Yamaki à la batterie, le flûtiste Dairo Miyamoto, Atsuki Yoshida au violon… Puis, selon les plages, des sections de vents, des orchestres de cordes et de chœurs qui rappellent les musiques de chambre européennes.
Un monde de musiques susurrées dans le jardin, notamment par des voix féminines entendues plus d’une fois dans la cour (presque) secrète de Miyake : Lisa Papineau, Kyoko Katsunuma et le Cosmic Voices de Bulgarie, auxquelles se joint Arthur H dans un registre inhabituel. Construit de plage en plage, dans les conditions (absurdes) des confinements masqués, l’album fut enregistré à Paris, à Tokyo, à Barcelone, à Rio de Janeiro, Toronto et Los Angeles. Il sortit au moment du départ de Miyake, cette fois consacré aux programmations électroniques et au flugelhorn, instrument qui renvoie à ses origines en tant que trompettiste de jazz.
Les commentateurs spécialisés ne pourrons pas réduire son expression au terme générique de « musique japonaise ». Sayonara ! Jun, dans l’espoir d’un retour espéré.