Ce n’était pas un concert comme les autres, mais un véritable ouragan cubain sur la scène du Studio l’Ermitage. Las Panteras, le duo pyromane formé par les chanteuses Martha Galarraga et Eliene Castillo, a mis le feu avec son groove afrocubain pimenté de funk et hip hop, lors de la soirée de présentation de leur premier album, Hasta Cuando ?
PAR FRANCISCO CRUZ
TOUTES GRIFFES DEHORS
Connaisseurs et ignares de la clave et autres spécificités musicales cubaines, tous s’accordaient à dire qu’ « on n’avait jamais vu à Paris un pareil concert de musique populaire cubaine ». Certes, loin des guaguancos endiablés de Celia Cruz, des beaux et sensibles boléros d’Omara Portuondo ou des dansantes nouvelles chansons d’Ana Carla Maza, le hip hop afrocubain (surtout féminin) n’a pas eu beaucoup d’occasions de se présenter sur les scènes européennes. Pourtant, Martha Galarraga et Eliene Castillo ne sont pas des inconnues, loin s’en faut. Elles avaient déjà été remarquées lors de leurs collaborations individuelles au sein des formations des pianistes Omar Sosa et Chucho Valdés.
Désormais en duo, elles explosent littéralement dans un projet aussi engagé socialement que révolté du point de vue féministe. Avec humour et justesse, elles appellent à la conscience et interpellent l’intelligence des auditeurs et danseurs portés par le groove imparable, et la poésie insolente et libertaire qu’elles imposent sur scène. Percussions à la main, elles nous rappellent, à différents moments, leurs sœurs cubaines de Yerbabuena ou même de Sintesis, sans pour autant pouvoir établir des filiations artistiques précises. Impossible d’ignorer non plus leur profond enracinement dans la spiritualité ancestrale portée par la Santeria afrocubaine, dont l’aspect rituel apparait subtilement sur scène.
Avec l’agressivité maitrisée de celles qui ont beaucoup souffert dans la vie, qui ont connu la pauvreté matérielle et la déception politique, mais aussi la violence des hommes, pères et frères, amants ou maris, Las Panteras ne montent pas sur scène pour simplement faire danser ou amuser l’auditoire. Elles sont là pour dire et transmettre, faire ressentir et provoquer, et pour ceux qui comprennent la langue hispanique, faire réfléchir et réagir. Cela n’empêche nullement de s’abandonner avec plaisir, sous l’impact du tumbao remodelé par l’énergie funky.
Hasta Cuando ? est autant une invitation à libérer les corps qu’un cri de révolte face aux violences quotidiennes, sociales, politiques, économiques, sexuelles, technologiques que les gens, et surtout les femmes, endurent chaque jour dans la lutte (consciente ou inconsciente) pour survivre. A Cuba mais aussi en France, en Europe, dans le monde.
L’album rappellera sans doute les meilleurs moments du concert, sur un registre moins intense certes, mais permettant prêter une attention plus accrue aux textes et aux arrangements, aux variations de la clave et à la portée de l’intention esthétique de ce duo spectaculaire et bien éloigné des images consensuelles ou des clichés de la « cubanité » vue depuis l’Europe.
LAS PANTERAS
Hasta Cuando
KaRu Productions
