LE MONDE D’AVANT (2)

Une petite musique déjà hypnotique scande l’idée d’UN MONDE D’APRÈS et, par un tour de passe-passe dont personne ne saurait être dupe, à la baguette de cette propagande mondiale se trouvent déjà les responsables DU MONDE D’AVANT. Anatomie d’un détournement programmé.
PAR ROMAIN GROSMAN

DES DOCTRINES ECONOMIQUES VS LES CITOYENS

Les politiques publiques censées utiliser à bon escient le fruit de la contribution solidaire de chacun des citoyens qui composent nos communautés nationales, pour l’éducation, la santé, la justice, oserait-on dire le bien commun, n’ont cessé d’être rabotées et réorientées par les gouvernants dans quasiment tous les pays s’inscrivant – depuis « la fin de l’histoire » et la « victoire » définitive du capitalisme mondiale – dans une seule et même logique. Celle d’une course au consumérisme effréné au prix d’une compétition sans foi ni loi, dictée par le dogme de la sacro-sainte croissance (de la rentabilité, des profits…), au mépris de l’épanouissement de l’humain et de tout ce qui y participe. En France, au moment de subir la désormais inéluctable épidémie, le pays a découvert que ses dirigeants avaient, dans ce beau MONDE D’AVANT, mis à bas toute défense : plus de planification, plus de moyens humains et matériels, plus de système de veille ni de gouvernance de crise.

Les mêmes qui annoncent vouloir participer (?) incarner (??) proclamer (???) LE MONDE D’APRÈS nous ont donc exposé collectivement à ce que jamais dans leur histoire nos civilisations, pourtant jamais aussi riches, n’avaient connu.

Les mensonges sur les pénuries se sont succédés quand, une fois encore, le sens commun faisait, partout dans le pays, se lever le doigt des usagers des transports en commun, des personnels accueillants dans les musées, des caissières, des électeurs invités à se rendre aux urnes en plein milieu du chaos : si le danger existe, comment, pourquoi, nous laisse-t-on à ce point démunis, exposés ? Après des semaines de dénis, – sur l’absence de masques, de tests, de lits, de médecins, d’aides-soignants, de politique préventive (pourquoi ne met-on pas en quarantaine les personnes contaminées ?) -, la vérité a émergé. Rude, cruelle, implacable. Le libéralisme, les économies faites sur les secteurs fondamentaux du vivre-ensemble dans une vision moderne du progrès humain (santé-éducation-justice), ont mis notre pays dans ce dénuement que les personnels soignants dénonçaient en vain depuis des années, et l’a contraint à un confinement généralisé, impensable, qui précarise-fragilise des millions de gens, et promet des désastres à venir. Les plus faibles vont trinquer.

LA FABLE DE L’UNION NATIONALE

Nous ne sommes pas sortis d’affaire que les patrons et les partisans du marché appellent à l’effort, au sursaut, à l’intérêt supérieur. De quoi parle-ton ? De rattraper les recettes évanouies. Des décrets sont passés en urgence pour se donner tous les moyens. Même pas honte !

Des aides sont orientées pour maintenir le bateau à flot ? Les banques (et les assurances) doivent « jouer le jeu » (l’imploration bien naïve de notre grand timonier), mais de plus en plus d’entreprises se voient refuser les soutiens promis. Demander aux principaux bras armés du système d’intégrer dans leur logiciel la notion de solidarité nationale, même adossée sur une garantie d’état de 90% (donc de nous tous) ? Dans ce pays, tout le monde, les jeunes et les plus démunis notamment, le savent depuis longtemps, la finance joue et jouera d’abord ses intérêts au mépris de celui de tous. Même pas honte !

Et tous ceux qui passent entre les mailles du filet de cette aide publique (un effort de tous pour tous, pas une généreuse offrande de nos dirigeants comme la sémantique tend à l’insinuer) sont innombrables. Les sans-contrats de travail, les auto-entrepreneurs, les ubérisés, tous ceux que ce gouvernement a éjecté encore plus que ses devanciers, méticuleusement, du cadre social pour mieux les mettre à disposition du système libéral. Même pas honte !

La dette est déjà brandie comme un épouvantail, la raison pour laquelle nous devrions tous repartir de l’avant sans poser de question, sans lever le menton : le pays va passer de 100% d’endettement à 110 voire 115% ? Le Japon, pas un pays du tiers monde, vit avec une dette de 200% du PIB. Parce que cette dette est ce que l’on appelle une dette perpétuelle, constamment renégociée sur des dizaines d’années. Et parce que les taux d’intérêts sont au plus bas, ce pays la supporte, car cela lui permet de maintenir des équipements (le Japon compte parmi les pays les plus efficaces dans la lutte contre l’épidémie), la puissance structurelle qui maintient son rang.

La loi retraite, les lois pour durcir les conditions d’accès aux allocations chômage, aux aides au logement ? Remisées sous le tapis : trop de honte !!!

LE MONDE D’AVANT (1)

LE MONDE D’AVANT (3)