KATI KOVÁCS – BEN GIJSEMANS – APPOLLO/GAULTIER…

LE COMBAT

Du plus intime au plus politique, la vie serait donc un combat. c’est du moins, cet automne, ce qu’assurent bande dessinée et roman graphique.

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Jeune auteur belge à peine trentenaire, Ben Gijsemans revendique les influences hors sentiers battus des grands maîtres de la peinture, ou du cinéma. Dans l’agencement presque carcéral d’un gaufrier de douze cases par page, des canons esthétiques d’une élégance venue en droite ligne des préceptes de la ligne claire, d’un mutisme du personnage principal qui confine à l’autisme, et des intermèdes salvateurs d’aventures de super-héros inventés, il poursuit ici une trilogie du mal-être, et de la non-inclusion sociale de personnages en difficulté. Aaron, étudiant de 20 ans, se découvre pédophile, et Aaron, l’album, conte l’histoire de son combat, jusque dans son imaginaire. Un album comme un pari risqué, riche d’une déclaration d’intention humaniste : la pédophilie est loin d’être reconnue par tous, mais la lutte pour en sortir, oui.

Le scénariste David F. Walker et le scénariste jamaïcain Marcus Kwame Anderson se sont intéressés à un mouvement que l’on a caricaturé en amples illustrations de fusils d’assaut et autres coiffures afro. Mais le Black Panthers Party, fondé en Californie en 1966, même si en rupture avec le mouvement des droits civiques de Martin Luther King, a également œuvré dans des actions sociales patentes (soins de santé, programmes éducatifs). En un récit à la fois didactique et vigoureux, les auteurs tentent de séparer mythe et réalité, grâce à une science du récit qui conjugue des illustrations proches des techniques de la presse quotidienne, et des portraits sensibles et émouvants. Juste pour se souvenir où la distribution des petits déjeuners en milieu scolaire a débuté.

D’une histoire d’amour chancelante à de purs instants d’horreur, La Désolation conte l’histoire d’un jeune homme, qui, tout simplement, s’ennuie, fuyant La Réunion et sa fiancée pour rejoindre une mission scientifique dans les Terres Australes. Les purs élans écologiques ne résistent alors pas au vent glacé et à la brutalité des hommes. Et se pose l’ultime question : quid de notre patrimoine commun, et d’un absolument nécessaire humanisme nourrissant tous nos actes ? Dans ce récit déroutant et captivant, on attribuera une mention spéciale au trait épais et coloré de Christophe Gaultier, comme une pulsion supplémentaire de cette odyssée.

Anxieuse et indépendante, Katalin n’a qu’une seule amie, une saucisse fort peu diserte. Elle décide alors de quitter sa Finlande natale pour Rome, omettant qu’entre ses rêves (les monuments historiques de la Ville Éternelle, la culture italienne) et la réalité, se dresseront maintes embûches, telle la difficulté de survivre sans trop de moyens. Et les hommes, qui régentent tout, mènent le monde et le dominent. Ce récit qui conduira aux rives des violences sexistes, Kati Kovács, surnommée par ses compatriotes l’enfant terrible de la bande dessinée finlandaise mais qui vit à Rome depuis trois décennies, nous l’offre avec son originalité (paroles et actes donnés aux femmes) et sa puissance (un graphisme rude, mais tout à la fois pudique et sensuel) coutumières. On se sent vivifié par cet album cinglant, et tout prêt à répondre : où allez-vous ? Avec Katalin, jusqu’au bout du monde !

KATI KOVÁCS
Quo Vadis, Katalin ?
Editions Rackham, 112 pages, 19 euros

 

 

 

 

 

APOLLO/GAULTIER
La Désolation
Editions Dargaud, 96 pages, 22,50 euros

 

 

 

 

 

DAVID F. WALKER/MARCUS KWAME ANDERSON
Black Panthers
Editions Massot, 187 pages, 23,90 euros

 

 

 

 

 

BEN GIJSEMANS
Aaron
Editions Dargaud, 208 pages, 29,99 euros